Quand le goût obscur pour le fétichisme et le bondage réunissent Gitane Demone et Marc Ickx, cela nous donne Demonix. One-shot initié alors que la chanteuse vivait en Europe, délaissant Christian Death et le bagage artistique/émotionnel lié, il exprime beaucoup de ce qui faisait alors son identité artistique aussi bien que visuelle: une passion du jazz et des grandes voix féminines du style (Billie Holiday, Nina Simone…), une imagerie et des thèmes fortement liés à l’univers S&M, sans renier pour autant un vécu dans la scène gothique. On pourrait s’étonner de cette collaboration, non que Marc soit un artiste de samba réputé, mais son champ d’action se situant plutôt dans la dark wave que le deathrock. ‘Never felt so alive’ justement démontre à quel point l’homme est bon musicien, sensible, à l’écoute de sa partenaire. Nous sommes loin ici de l’univers froid et mécanique de Die Form; comme pour A Split Second, Ickx pioche ses influences dans l’électronique aussi bien que la musique ethnique (pour la création des rythmes notamment), le cabaret, la new wave…Ecoutez avec quelle subtilité il calque un groove jazzy nocturne sur les vocaux sensuels de Gitane sur ‘Tongue of fire’, comme il nous convie en une transe tribale indienne sur ‘Secret meditation’ sans oublier quelques accents plus durs (‘Loveless’). Le secret de l’alchimie réside dans le velour de la production, la voix est l’élément essentiel, elle doit être soutenue et mise en valeur, surtout ne jamais être étouffée; titillée jamais dominée. Les sonorités choisies sont souvent sourdes, les basses privilégiées, même les rythmes dégagent quelque chose de feutré permettant au chant de développer toutes ses nuances, sa beauté caressante, érotique, ses accents claquants. Alors que Die Form affichait une préférence marquée pour la musique classique, une esthétique volontairement élitiste, Demonix puise sa substance dans une musique populaire (jazz, cabaret) pour la combiner aux expérimentations intellectuelles nées des années new wave. ‘Never felt so alive’ se présente comme un palais des glaces plongé dans une semi-obscurité torve dans laquelle l’auditeur s’abandonnera dans les lacis de velours avant de se faire malmener les sens à coups de beats EBM (‘Loveless’, ‘Driven’)…Derrière les masques de latex, qui sourit ? Qui grimace ?