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Lepo Sumera (1950-2000) › Symphonie n°1
informations
Enregistré les 13 et 14 mai 1994 au Malmö Concert Hall. Robert Von Bahr (ingénieur et producteur)
line up
Malmö SymfoniOrkester, Paavo Järvi (direction)
chronique
- déchirant
D'abord il nous désarme. Il détruit nos défenses avec la facilité d'un titan qui marche sur un oeuf. Et puis, dans le silence, il tire de nous les plus secrètes blessures, les larmes les plus enfouies. Celles que personne ne sait, celles qu'on a toujours tues. Celles sur lesquelles vous n'avez ni prises, ni d'autre contrôle que la négation pure et simple. Faites attention, vous qui vous apprêter à pénétrer dans le monde de l'immense Sumera. Faites attention à vous, assurez-vous d'être suffisamment solide pour faire face aux plus intimes, aux plus profondes, aux plus indicibles de vos douleurs, celles que vous avez tellement fuit que vous n'en connaissez même plus les ressorts, les pourquoi, les comment, les quand. Car les murs si épais que vous avez dressés pour les emprisonner vont tomber dès les premières secondes comme des tentes de papier. Une minute interminable de cuivres aveuglants qui se déploient en contrepoints ralentis comme une symphonie de cloches funèbres; une minute insoutenable d'harmonies écrasantes, terribles, mortelles, lumineuses, qui s'ouvrent les unes après les autres, les unes au dessus des autres, et dont les forces s'accumulent jusqu'à vous mettre à genoux. Elles sont comme le déluge. Alors vient le silence. Soudain. Total. Plus intense encore. Ce que l'on y distingue, attentif à l'extrême, mis à nu et craintif, est tristesse. Ce qui se cache au fin fond de la nuit n'est autre que l'ombre portée de cette première minute, le murmure infime et continu de ce chant de douleur... l'écho persistant. Cet écho répété aux confins du néant va peu à peu s'orner, d'une note, puis d'une autre, puis d'une autre, révélant un peu plus sa beauté sinistre et poignante, évoluant de la boucle enivrante vers la mélodie douloureuse. A mesure que la répétition devient mutation apparaissent d'autres boucles, leurs tristesses s'ajoutent, leurs splendeurs s'accumulent, l'émotion gonfle à la manière d'un ciel monochrome se chargeant d'événements nuageux... ce qui n'était au départ qu'une lueur minuscule veillant au loin dans le noir devient peu à peu une mer de souffrances enchâssées les unes dans les autres, et dont les rythmes pluriels se conjuguent en une spirale vertigineuse, de la terre vers le ciel. Ni violence, ni débauche de son, finis les glas sinistres et écrasants qui ont ouvert la pièce : Sumera est en train de faire jaillir de ton coeur et de ton cerveau les plus intenses douleurs, ouvrant une harmonie à chaque larme qui résiste, venant à bout de toute résistance avec une facilité terrifiante, et tout cela dans la douceur, dans la beauté diaphane et presque silencieuse d'un océan de calme. Nous sommes à 7 minutes, il en reste le triple. Vas-y sans moi... je n'en ai plus la force. Trop pleuré, et j'y meurs un peu plus à chaque fois. Fais attention à toi, car les glas vont revenir. Prends garde à ces silences de l'immense Sumera. Profite de l'énergie, aussi obscure soit-elle, qui t'attend à l'entrée de la seconde partie. Si tu en sors vivant, alors reviens me voir. Nous irons plus avant dans le monde Sumérien. Ce monde de pierres, ce monde qui pleure. Ce monde de beauté trop intense... où tout, même le silence, hurle de toute ses forces.
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- dimegoat › Envoyez un message privé àdimegoat
"Prends garde à ces silences de l'immense Sumera". J'ai toujours bien aimé cette phrase. On ne peut pas dire que cette première symphonie manque de dynamique sonore.
- Note donnée au disque :
- Sheer-khan › Envoyez un message privé àSheer-khan
pas assez gutsienne la 2ème? euh... c'est pas franchement la poilade comme musique tout de même, même si peut être plus "enjouée" que d autres... Mais sumera est presque intégralement sombre, c'est mon ressenti en tout cas. Les 6 symphonies ont leur place ici... et je compte bien les y mettre, entre autres prouesses du bonhomme...
- Arno › Envoyez un message privé àArno
J'ai pour ma part été directement scotché par la deuxième symphonie... (Peut-être pas assez gutsienne pour être chroniquée ici...). Comme si John Adams avait couché avec le nord de l'Europe...
- Melas_Khole › Envoyez un message privé àMelas_Khole
Peu usité à la musique "classique" contemporaine, je ne connais que trop peu ces brillants baltes à l'exception des pièces maîtresses d'Arvo Part. Merci de me (nous) les faire découvrir. J'entame au pif l'écoute de sa deuxième symphonie à ce Sumera, et je vais franchement penser à y mettre quelques bons euros.
- allobroge › Envoyez un message privé àallobroge
Sublime chronique! Je vais me jeter dans la gueule du loup malgré la mise en garde, l'appel est irrésistible...