Test Dept / Brith Gof › Gododdin

Trois cent, ça vous dit quelque chose ? Leonidas et ses hommes qui tinrent tête à l'armée perse en y sacrifiant leur vie. Ils furent trois cent également, guerriers celtes cette fois, à partir à la bataille contre les Angles autour de l'an 600 A.D. sur le site de Catraeth identifié comme Catterick; comme les Spartiates, c'est dans leur défaite qu'ils acquirent la gloire retranscrite dans un poème, le plus ancien en langue galloise, 'Y Gododdin', terme désignant une région située au sud d'Edimbourg et ses habitants lesquels parlaient le Brythonic, forme de proto-gallois. C'est ce combat désespéré que le collectif industriel Test Dept a choisi de mettre en scène en compagnie de la troupe Brith Gof. La première aura lieu à Cardiff dans une usine de voiture abandonnée, transformée en utilisant six cent tonnes de sable, cinquante arbres et trente voitures compressées. Qui dit bataille dit musique martiale, ce qui est le cas; toute la puissance des percussions métalliques de Test Dept prend ici sa signification. 'Sarff' scandé comme une forme de prière présente l'entrée des guerriers' tandis que 'Gwyr A Aeth Gatraeth' rythmé par des percussions tribales annonce le sujet; une voix féminine résume le combat et le sort des soldats. Avec le grandiose 'Arddyledog Ganu', c'est la dimension épique de l'oeuvre qui démarre: roulements guerriers de tambour, cornemuses, une voix masculine grave qui récite tandis que des choeurs féminins confèrent une atmosphère magique au tout. Suit une danse tribale plus rapide composée comme une forme de transe où les guerriers prennent la dimension de bersekers avant que le voyage ne commence. Le ton se fait menaçant, récitants (hommes et femmes) chuchotent comme de crainte de porter malheur à la troupe tandis que les percussions s'élèvent en un tempo évoquant le pas d'une armée en marche et que résonnent dans le lointain les trompettes. L'ambiance est impressionnante, presque funèbre, la tension est palpable. Arrive l'heure de la bataille, les tambours roulent, des cris se font entendre, le métal claque...en vain, la défaite était inévitable. L'ultime pièce débute donc par un poignant chant de mort avant que le narrateur masculin ne fasse l'éloge des guerriers tombés ('Bravest in their stations, mighty in conflict, may their souls after battle be welcomed in the land of heaven, the home of plenty') tandis que dans l'arrière-fond gémissent les cornemuses. 'Gododdin' est un chef-d'oeuvre de la musique industrielle dans sa forme la plus pure; rencontre entre une forme de tradition ancestrale et la modernité, où l'histoire devient métaphore d'un combat encore d'actualité où les envahisseurs usent de politique et d'argent en guise d'armes, choc entre les percussions métalliques à la Einstuerzende Neubauten et les cornemuses pour l'expression d'un langage millénaire, hommage ultime au sacrifice, cette pièce est d'une dimension rare pour un simple enregistrement. Le pouvoir des rythmes y fusionne avec la beauté des mots et de leur sons, le passé rejoint le future et tout semble alors possible. Indispensable !