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Cheikha Rimitti › Ghir el Baroud

cd • 6 titres • 38.55 min

  • 1C'est fini, j'en ai marre6:10
  • 2El D'Zair7:00
  • 3Ghir El Baroud6:31
  • 4Hya B'ghate sahra6:19
  • 5Rani alla m'rida6:25
  • 6El alia n'batou ahna6:30

informations

Non communiqué.

Les joies de la transcription - et peut-être les arcanes des droits d'auteur - font que le nom de l'artiste s'écrit ici Remitti plutôt que Rimitti, comme orthographié dans la plupart des cas. Il s'agit bien - de toute évidence - de la même chanteuse, dont le nom de scène viendrait d'un légendaire "remettez Madame" lancé dans sa jeunesse - et modifié par l'accent local - à une tenancière de bar de l'Oranais, alors territoire colonial. L'ordre des titres indiqué au dos du CD est faux. L'entête de cette chronique en donne a priori l'ordre juste.

line up

Cheikha Rimitti (chant, percussion guellal), flûte gasba et autres instruments non crédités.

chronique

  • raï>appel des creux et des lueurs

Et c'est par là, de fait, qu'il faut commencer : au hasard des éditions mal emballées, mal créditées, vendues - sinon sous le manteau - du moins clairement pour les porteurs d'autres costumes moins bigarrés peut-être (ou tout autrement) que la robe de l'Amuseur en Exotisme ; nullement griffées, non-plus, à cet Authentique du produit culturel agréé, avalisé, homologué par les bureaux (du tourisme ou des sciences humaines, peu importe au fond l'officiel du cachet). On n'est ici, en effet, ni chez Realworld ni chez Ocora. Et c'est tant mieux pour cette fois-ci. Ainsi vous saurez où l'on vous a menti, par omission, par mercantilisme – de plus sans audace ! De quoi l'on aurait pu vous dégoûter, à si mal falsifier l'étiquette. Car le Raï, voyez-vous, n'est pas en ses tréfonds cette musique de Gendre Métèque Idéal au visage lisse, à la voix redressée, déformée par les machines pour que ne s'entendent plus ces quarts de tons qu'on ne saurait voir ; ou pour donner à croire qu'elles y atteignent, ces gorges jouvencelles sises si loin du cœur, de la source. Il n'est pas non-plus, pas seulement -le croirez-vous ?- surtout pas avant tout, ce chant sans manières des voyous moustachus qui hantaient, certaines années quatre-vingt, les nuits des cités d'Algérie, avant que ne tombe l'heure des sinistres couvres-feux (et qui essaimait jusqu'à nous ses tentatives : à Barbès, à Belsunce, Place du Pont...). Non... Avant, encore, avant toute chose, le Raï était Bédouin. Son nom, en Arabe, dans ce dialectal de l'Oranais, de ce coin du désert aux frontières incertaines, mouvantes, aux foyers épars, signifiait Conscience. Ses hérauts portaient haut leurs peaux tannées par un astre tyrannique, les brises qui, sans fatigue ni merci, remuaient la surface des sables, usait lentement, patiemment, les socs de pierre immuables aux yeux des hommes. Et telles aussi étaient les voix... De cette caste, sans doute aucun, elle était l'Incendiaire, Rimitti, autant que celle qui abreuve. Aux bars des villes et des bourgades, des comptoirs isolés elle dansait, un plateau sur la tête, posé en équilibre, empli de verres d'un thé brûlant, au vert profond et saturé de sucre en sucs corrosifs. Et bien sur elle chantait. Pour l'Indigène ou le colonial ; le militaire, le marchand ; la fille de joie ou l'homme de peine. Les rudes éléments et la vie pas plus douce, ni moins pleine, indomptable. Elle tournait, tournoyait, fichait les vrilles, faisait flancher les têtes, chavirer hanches et bassins et pupilles en transe tout en haut des paupières. Déjà on l'appelait La Vieille – mais Cheikha, par ici, veut dire aussi La Sage. Celle qui sait, et qui sait dire. Et nulle doute, à l'entendre encore, si longtemps après qu'elle ait gagné son nom, elle n'a rien perdu, rien oublié. Ses chairs, ses roses ont peut-être fané mais se appétits jamais ne se sont éteints – et comment le pourraient-ils puisqu'ils sont ceux du monde à jamais continué ! À jamais sous-terrains, à jamais affleurants quand s'amorce la fête ! La Vieille, La Sage... Mais certains encore peuvent la nommer Folle ou Démone. Porté seulement, ici, par des chœurs sans âge ni précaution, syncopé par les frappes des mains sur les peaux, les claquements des paumes, enlacé, tissé, entrelacé aux souffles entêtants d'un roseau, son Dire n'a jamais abdiqué. Ses mots sont toujours liesse et contrebande, clamés et clandestins ; conseils et invites aux vierges, afin qu'elles cessent de l'être, au plus tôt et d'une joie ivre ; liste des plantes à broyer, à bouillir, à avaler ou étaler en cataplasmes pour faire passer l'accident qui dévoilerait fatalement la faute une fois le plaisir consumé (et l'on jugera la portée de la chose à considérer le sort réservé -à l'époque qui l'a vue commencer- aux faiseuses d'anges, de part et d'autre des lois coloniales...) ; et puis au détours d'un quatrain, la Gloire d'un Créateur au nom de qui d'autres la condamnent – parce qu'en son être elle le connaît mieux qu'en leur cloîtres et qu'elle le prie sans mépriser, sans fuir ces flots qui les effraient ; tout de suite après, enfin et de nouveau, amours terrestres, délices et déchirements, manque et charges trop lourdes des aubes où l'on n'a l'heur d'aimer encore et à l'instant... Sa poésie aux milles phrases inaltérées, aux périodes à jamais fluides, que rien ne peut figer en leurs Combinatoires, cet organe rugueux -aux élans si suaves, pourtant, aux envolées qui tellement fort exigent l'ineffable douceur- n'écoulent pour toujours, au fond, qu'un seul message : Vis ou meurs, l'existence t'en somme ! Perds-toi, grandis, flambe ! Il n'y a rien à prendre, à vivre sur le Seuil, personne à qui tu puisses donner... Et que l'entendement, d'abord, y saisisse ou non la moindre des syllabes, c'est par là qu'il vous faut commencer avec elle, avec son art. Par ce disque ou l'un de ses frères des marchés infiltrés. Parce qu'ils n'ont pour embellie que la grâce du trait décoché, de l'offrande sans mesure. Parce qu'ils sont une danse, à même un sol qui boit tout et d'où s'exhale le chant qui porte aux nues toute âme vive.

note       Publiée le mardi 2 mars 2010

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    NevrOp4th Envoyez un message privé àNevrOp4th

    Dioneo is back ! ;) Chouette chronique , très émouvante.