Free Kitten › Inherit

Je ne vous raconte pas mon excitation le jour où j’ai découvert l’existence de Free Kitten. Pensez-donc, la rencontre improbable, au sein d’un projet parallèle ouvertement féministe et récréatif (deux mots qu’on voit pas assez souvent ensemble) de Kim Gordon (je présente pas hein), Julia Cafritz, ex-femme de Jon Spencer, et égérie/psycho de service au sein des cultes Pussy Galore, et de Yoshimi P-We, rien de moins que la batteuse des Boredoms et principale instigatrice du projet psyché day-glo OOIOO. Il n’y manque que Kim Deal pour atteindre le seuil du groupe-fantasme. Mais concentrons nous pour l’instant sur nos trois fugitives vieillissantes quoique toujours radieuses, et sur ce Inherit assez inattendu de la part d’un projet qu’on croyait délire éphémère. Elles livrent d’emblée l’un de leurs meilleurs morceaux avec ce Elected Girl tout en alanguissements dédaigneux (les chattes s’étirent, s’apprêtent à sortir leurs griffes), sur fond de serpent à sonnette, qui se paie même le luxe d’un changement d’humeur lunaire admirable en fin de morceau. Kim Gordon, tout comme son groupe et son mari, Thurston Moore, a trop écouté de disques pour ne pas savoir comment bien démarrer un album. L’inconvénient, c’est que la suite déçoit forcément … Surf’s up, après ça, en plus de ne pas être la reprise des Beach Boys qu’on attendait avec un sourire malicieux, s’avère être un stérile branlage de manche (eh ouais, les filles aussi, même si elles s’en vantent pas), ce qui est un peu le comble vu les antécédents minimalistes du trio. On me susurre dans l'oreillette qu'il s'agit de Jay Mascis. Ben il aurait mieux fait de rester couché (on me susurre qu'il est en fait endormi en permanence... ok j'arrête).Le niveau remonte avec un Seasick bien cool derrière son petit mur de disto molle et mélancolique, dans une grande tradition slacker à la Camper Van Beethoven. Marijuana et comptines de petite fille, c’est le morceau le plus Moe tuckerien du lot (Yoshimi frappe à contretemps comme si sa vie en dépendait pas), presque à la CSS dirai-je. « Sally sells seashells by the seashore », mmmmouais... Après cela, le disque vire au recueil de demi-chansons, jams mal dégrossies indignes d’une face B. Free Kitten on The Mountain et Monster Eye nous servent l’intégralité de boeufs bancals car non étayés, sans aucun talent d’improvisation, rappelant presque la période chiante de Sonic Youth, encore que Monster Eye fait un peu sourire avec sa déclamation finale très Patti Smith, sans doute dédiée à Thurston Moore par une Kim Gordon amoureuse jusqu’à l’os malgré son ton monocorde et froid. Le reste n’est que divagations de 6-cordes rêveuses mais qu’on n'écoutera qu’une fois, avec une « Gordonerie » bien régressive comme on les aime au doux titre de Bananas. Inherit, en bref, est un album peu digne de son classieux line-up.Pourtant, Kurt Cobain, qui s’époumonait aux concerts de Shonen Knife (autre trio punk féminin, cette fois-ci 100% japonais), aurait lui aussi kiffé sa maman sur ce supergroupe dopé aux oestrogènes comme autrefois Led Zeppelin à la testostérone.