The Bloodcult › Pay Day

"Le Grec, en plus d’avoir la courbure facile, est d’un tempérament taquin", me disait souvent mon grand-père (paix à son âme bien qu’il soit encore vivant). Eh bah il aurait du connaître Bloodcult, le vieux. Pay Day, dont le titre m’inspire un jeu de mots incroyablement fin et recherché que je préfère tout de même vous épargner, semble être passé totalement inaperçu lors de sa sortie. Le genre ? Je sais pas trop… disons que le duo alterne les pistes vaguement indus techno/electro bien cheap et linéraires avec chant saturé façon old Suicide Commando (assez flagrant sur le premier titre) et les morceaux plus posés, orientés gothic rock. Mais les étiquettes sont chiantes, et je préfère vous parler de mon ressenti à l’écoute. Bloodcult, c’est d’abord ce petit son fébrile et un brin rabougri, le son des UG qui ne savent pas travailler en pro (vive le mixage sur certaines pistes). C’est ensuite un feeling d’amateur qui réussit à créer l’étincelle : amateurs peut être, naïfs sans doute – dans leur volonté manifeste de faire du méchant - mais leur naïveté a quelque chose de sévèrement flippé - oserais-je dire presque involontairement - d’enfantin, de crevard, un peu à l’image de ce livret rempli de fœtus difformes façon Hiroshima/Tchernobyl, imprimés à côté d’une photo d’eux en lunettes noires et pose satanico-ridicule à la Manson. Tu sens que les mecs veulent faire du lourd, et ça marche pas, ah ah, eeet… c’est pour ça que ça marche quand même ! Parce que même si la puissance ou l’aplomb ne suivent pas du tout, même si tout ça sonne chétif et insignifiant, l’émotion est là, le reflet vicieux dans le coin de l’oeil ne trompe pas sur la marchandise : c’est du craspec, du vilain, du garnement aux yeux rouges, genre bec-de-lièvre qui mord quand on veut le consoler. Dans des titres comme "Blood Fanatic Psychopath" ou "The Sun Don’t Shine", on ressent bien cette approche singulière, les deux bonhommes maniant des clichés éculés pour créer leur univers psychosé : les samples de tronçonneuse, les voix d’enfants, les murmures menaçants, les boucles electro ringardes, les beats faméliques, et le chant saturé un poil agressif - mais tous ces clichés et ces déjà-vu, ils en font quelque chose de bien à eux, en y mettant la petite touche perso : soli heavy metal incongrus et débiles, petites mélodies viciées, et même un interlude mélancolique au piano façon Nephilim sur "There Is Pain", ou un hommage-pompage à l’éponyme de Black Sabbath sur l’intro de "Love’s Revenge (Part 1)". Le fait est que l’ambiance est par moments vraiment sale et même franchement malsaine, sur un morceau comme "Pay Day" par exemple... En fait, tous ces petits détails volontaires ou non rendent le disque assez unique, et même si tout cela a souvent l’air de n’être qu’une pâle copie, je serais bien en peine de lui trouver un lien en recommandation. Pay Day se pose comme un petit album underground dont le charme biaisé ne me laisse pas de marbre, peut être parce que jamais les deux lascars n’ont la mauvaise idée de sombrer dans le second degré, et que toujours ils gardent la tête haute dans leur petite machine moisie à laquelle ils croient dur comme fer. Bloodcult fait dans le gothic/electro bidulesque et pisseux, sans attente de reconnaissance, avec en guise de cerise un humour bien naze (l’album est dédicacé à Angelina Jolie), et ce Pay Day est ce que j’appellerais un bon petit disque de serial killers ratés. Purement anecdotique, mais charmant.