The Muffins › Bandwith

Après ce "Loveletter#1", mini album surgit du néant, près de vingt ans après la mise en veilleuse définitive de leurs activités, on attendait beaucoup de leur premier disque longue durée. On serait malheureusement tenté de dire à leurs plus fidèles enthousiastes que le rendez-vous est manqué. Mais attention ! Nos quatre compères n'ont pas pour autant perdu la main ; c'est juste qu'ils se retrouvent autour d'un album qui n'a en fin de compte ni l'approche canterburienne du mythique "Manna / Mirage", ni celle plus obscure et expérimentale d'un "<185>". "Walking the Duck" qui ouvre l'album, et que l'on trouvait déjà sur "Loveletter#1", fait pourtant office de trait d'union entre leur passé et ce présent qu'ils sont en train de graver ; on le doit en grande partie à ce son de basse proéminent caractéristique joué par Billy Swann. Mais à l'avant plan, c'est un groupe tout orienté vers les cuivres qui nous prend d'assaut, dans une forme aussi classique qu'inattendue. Plus loin, avec "World Maps", la guitare acoustique fait son entrée, autre signe flagrant d'un renouveau en guise de refonte totale. Et plus on avance dans le disque, plus le constat est là : les Muffins ont fini de s'embarrasser d'étiquettes inutiles. Ils sont ici pour jouer et non pas pour paraître. C'est l'envie de jouer à nouveau ensemble qui a motivé cette reformation, et au bout de deux décennies de silence, beaucoup d'eau est passée sous les ponts. On n'a plus la folie ou la fougue de nos jeunes années à cinquante ans. On n'a plus non plus envie des mêmes choses. On n'a surtout plus besoin de prouver quoi que ce soit. Ainsi, pour leur grand retour, "Bandwith", malgré sa plastique lisse et épurée, assume enfin pleinement l'héritage jazz et se fond donc tout entier dans cette esthétique. La présence du tromboniste Doug Elliott en renfort quasi permanent accentue l'aspect big band développé par le duo Tom Scott et Dave Newhouse. On ne peut s'empêcher toutefois de regretter un disque aux contours parfois trop propres qui semble seulement vouloir se pencher sur des prises de risques déjà toutes mesurées. "People in the Snow" et "Out of the Boot" sont peut-être les seuls titres à posséder des traces de leur énergie d'antant (le chassé croisé des cuivres, les gammes obsédantes et cette basse toujours). "East of Diamond", quant à lui, avec le soutien d'un trio de violoncelles, passe presque pour du Weather Report à la mode "A Remark You Made", superbe, mais dans un exercice de style dispensable.
En revenant au devant de la scène, les Muffins se contentent d'alimenter le flot déjà bien représenté des petites formations, alors qu'on aurait pu s'attendre à ce qu'ils s'installent tout de suite dans le peloton de tête. Un nouveau départ pour une histoire, peut-être, à recommencer.