Gensu Dean & Planet Asia › Abrasions

2013 question hip-hop des sous-bassements, a été une année plutôt coquette, mais il convenanit d'attendre un peu avant de trier l'ivraie... sur Guts of Darkness on ne fait pas vraiment dans la presse ou le blogging, on archive, et ne pas se precipiter pour donner son avis comme une pucelle, laisser infuser, c'est la règle. Calculer le recul, un peu comme quand on tire au fusil, ce qui évite de se fracturer le nez connement, et en l'occurence concernant ce Abrasions : si je l'avais chroniqué au moment de sa sortie et de ma découverte je vous aurais assommés d'une chronique exagérément enthousiaste et je me serais fracturé les doigts à devoir réécrire une chronique plus tempérée après la dizaine d'écoutes qui a permis de mieux cerner la chose. Car ce skeud est surtout sympathique, genre gadget un peu louche, décousu et amalgame, un peu à l'image de sa pochette flashy-tordue. Gensu Dean, dans la suite des collabs entre Appolo Brown et les MC's sur Mello, label alternatif sympathique, s'est offert un petit album de collab' avec Planet Asia, un des MC's les plus typés à ma connaissance dans la génération 00's et un de ceux qui multiplient les albums de collab'. Le flow de Planet Asia, avec ce grain de GZA west coast toujours gouleyant et ces egotrips de racaille cryptique, que j'avais perdu de vue depuis 2008 et son album de tough guy sur le retour avec DJ Muggs (Pain Language), vient balafrer des instrus qu'on définira comme agréablement variées ou hétérogènement déconcertantes, selon l'humeur. Ce qui se dégage de ce skeud c'est un feeling entre J Dilla et le Wu-Tang, un genre de Wu décongelé un peu tardivement, expurgé de pas mal de sa matière, fluorescent, et biaisé par quelques effets "asile spatial" à la Kool Keith lui donnant ce cachet underground ("Chuck Berry"). Mais du Wu, car c'est l'effet que Planet Asia provoque avec son flow très charismatique, chez Muggs comme chez Gensu - un Gensu qui, avec sa patte malhabile-toxique, se cherche encore niveau style d'instrus. Il bidouille sur sa SP-1200 toute neuve dont il est très content avec laquelle il pose tout fier ; chou, le Gensu. Et l'ambiance qu'il nous barbouille lorgne gentiment vers le flippé avec ce "Thouroughest" débile et sa tonalité de synthé cheap-obsédant qui m'évoque le générique de Sam'dynamite (et qui m'a poussé à faire un poisson d'avril très vilain cette année), passant enuite par le trip purement gangsta ("Time To Get Dough" avec le rugueux Gambino) le recyclage facile (piquer le sample du "My Mind Spray" de Jeru à Premier fallait oser, surtout pour faire moins bien), la piste vierge de beat si j'ose m'exprimer de la sorte ("Cochise" et sa boucle de violon toute minimale-étouffée), la petite clairière mélancolique ("God Hour", "Listen"), le r'n'b à la Wu de contrefaçon ("Do What I Want") quand il t'ouvre pas direct une petite faille spatio-temporelle sur 1986 avec du new school-korg bien minimaliste ("Aura") ou te balance une pure chute studio du Jaylib ("Tough"). Bref, Abrasions c'est le genre assez instable et inachevé, et pourtant j'y suis revenu depuis la sortie, ce skeud reste un genre d'atypique même s'il est probablement sorti avec minimum quinze ans de retard. Les feats un peu trop nombreux viennent achever de découdre ce petit hamster hip-hop défiguré par un gamin capricieux, bancal et encroûté dans des longueurs mais attachant autant que gadget... maintenant pour achever cette chronique elle-même bancale et qui tire en longueur, je dis biscotte.