Gnaw est le râclement de gorge de Khanate, un glaire récalcitant qui n'en finit pas d'arracher les membranes internes, et sous un fallacieux prétexte – faire du rock, à d'autres – les mauvais traitements se poursuivent plus frontalement que jamais ; tout devient excuse, tout devient musique, le microphone enfoncé dans la carcasse à l'écoute du sang qui bouillit, des strates de chair fraîche et de la scie du chirurgien. Et puis, le corps s'affaisse. Après la morsure, le vertige, l'effondrement – rien ne tient vraiment en place sur This Face, les sons hoquettent, hésitent entre sludge, drone et noise rock anémique, entre bruit et musique ('Ghosted') ; nous emportent parfois dans des chevauchées claustrophobiques le long de tunnels de chorus monstrueux ('Haven Vault', 'Backyard Frontier', 'Shard' ; ces deux derniers avec percussions épiques en prime), de bruitisme à base de riffs métalliques peut-être plus directs que d'habitude et, cerise sur la vivisection, la voix d'Alan Dubin ici fragmentée, démultipliée par autant d'effets que de pistes – crue voire claire (!) sur 'Watcher', sous delay sur 'Vacant', initelligible sur 'Haven Vault'... Il n'a plus ici la primeur de l'agonie mais doit bel et bien se débattre contre chaque musicien prêt à en découdre, contre cette basse qui balance quand elle le veut, contre cette batterie tachycardiaque, contre ces guitares hurlantes au milieu du chaos qu'elles génèrent – les artères dégorgent presque aléatoirement ; là où le dernier Skin Area découpe avec précision Gnaw arrache à coups de dents, tabasse le mou jusqu'à l'ecchymose et produit parfois il est vrai de véritables morceaux de musique qui se rechantent sous la douche, si tant est que l'on engloutisse une lame de rasoir auparavant. Nouvel album imminent, à voir ce qu'ils font de la barbaque une fois éparpillée aux quatres vents...