Vous êtes ici › Les groupes / artistesTEduard Tubin (1905-1982) › Symphonie n°8

Eduard Tubin (1905-1982) › Symphonie n°8

  • 1986 • Bis BIS-CD-300342 • 1 CD

cd • 7 titres • 62:46 min

  • Symphonie n°3 en ré mineur (1940-42) | 33:28
  • 1I.Largo-energico12:54
  • 2II.Molto allegro e tempestoso8:37
  • 3III.Largo, maestoso 11:40
  • Symphonie n°8 (1966) | 28:41
  • 4I. Andante quasi adagio7:47
  • 5II.Allegro moderato7:21
  • 6III.Allegro vivace5:39
  • 7IV.Lento, tenuto e maestoso7:35

informations

Enregistré du 16 au 19 septembre 1986 au Hall Berwald, Stockholm, Suède, par rune Sundvall. Produit par Robert von Bahr. BIS-CD-300342

Ami et compatriote du compositeur, Neeme Järvi pût mettre sa renommée internationale au service de l'oeuvre de Tubin, en la faisant découvrir à un large public. Ses interprétations ont longtemps fait foi, alliance de technique, de plastique orchestrale soignée et de rudesse. Au début des années 2000, le chef Arvo Volmer (Alba)s'est à son tour attaqué aux symphonies du maître estonien, et je dois bien avouer que ses lectures, moins martiales, plus lumineuses et lyriques, sont particulièrement séduisantes. Avec le temps, je reviens finalement plus volontiers à Volmer qu'à Järvi. Pour cette austère huitième, néanmoins, le choix reste difficile entre Järvi, plus mécanique, et Volmer, plus accessible.

line up

Swedish Radio Symphony Orchestra; Neeme Järvi (direction)

chronique

  • musique symphonique - xxème siècle

Attention : ténèbres. Inquiète, tendue et noire, la symphonie n°8 d'Eduard Tubin est une oeuvre sous la menace, un territoire austère à l'ombre pesante, dont la sévérité mélodique se refuse au moindre attendrissement. Quelque part entre son Estonie natale et la Suède, où il trouva refuge en 1944 et dont il devint finalement citoyen, Tubin composa une musique à mi chemin entre les oeuvres plastiques et froides des pays baltes et le mélodisme romanesque de l'école scandinave. Paradoxalement (quoique) , c'est à partir de son exil en suède que son lyrisme initial, alimenté par son goût pour le folklore estonien, va s'estomper au profit d'une austérité, notamment harmonique, dont cette 8ème est la plus rude incarnation. Largement contenue dans la tension de cordes lentes et funèbres, sa n°8 ne se laisse réellement aller à la violence et au sonore qu'en de rares occasions, entretenant tout au long de sa marche terrible une retenue éprouvante, l'orchestre semblant constamment au bord de la rupture, comme inéluctablement poussé vers l'éruption dantesque et libératoire, mais qui ne vient jamais... ou presque. Les attaques dramatiques et les poussées d'angoisse qui finissent par surgir de la tension croissante se résorbent rapidement, passent à deux pas de nous en nous évitant juste, avant de disparaître sous les voiles silencieux de cordes froides et diaphanes, comme un monstre sous la mer. Cette élasticité constante à la dynamique étrangère, entre attente et menace, suspicion et terreur, est bien plus inquiétante, souterraine et sournoise qu'une simple tragédie; il est ici question de désolation, de cendres et de néant, mais aussi de danger, de méfiance... de la terreur qui rôde. Ce sont d'abord des cordes qui viennent du fond des mers, et dont les poussées de lumières désagréables, elles-mêmes empêchées par des ponctuations de timbales solennelles, progressent comme par palier vers une éruption que l'on sent imminente, mais qui tarde. Les clarinettes redescendent en mélodies effarouchées, elles retournent se cacher sous les pierres d'où on les avait vues sortir, distantes, prudentes comme des reptiles. Un basson, une flûte, le hautbois, l'écho âcre de la trompette, Tubin s'attarde dans le non-dit de mélodies qui s'interrogent, s'interrompent, serpentent sur le tapis mouvant des cordes dont les vagues finiront, tout de même, en effroyable raz-de-marée. Mais il faudra attendre, et c'est peut-être pire. Attendre le retour chargé de cuivres et de violence du thème d'abord distant qui hante le deuxième mouvement : quelques notes de clarinette qui d'abord nous ignorent, nous snobent, et qui repassent par là, en hautbois, en violon, avant de se retourner et de nous regarder droit dans les yeux, du haut de sa toute puissance orchestrale enfin libérée. Oui, le démon attaque, l'oeuvre prévoit des séquelles, mais elle s'emploie d'abord à jouer de nos défenses et à les faire toutes fondre dans une distension constante à base de pathos en apnée et de mouvements austères. Attendre... attendre le troisième mouvement et son rythme névrotique aux culminances sonores en mélodie constante; mélodie dure et noire. La luminance blafarde des cuivres funéraires qui ouvrent le final nous ramène dans l'attente, dans l'immobilité d'un paysage de mort où s'en reviennent rôder, encore et toujours, des présences insidieuses, des clarinettes qui fouinent; l'attente de ce qui couve sous ces poussées contenues de cordes et de cuivres, ces montées en puissance qui font craindre le pire mais l'évite constamment... toujours de très, très peu. C'est ce glissement constant du grondement au silence, du sournois à l'éruption, cet art de la tension non résolue, sinon au mauvais moment, qui font de cette 8ème symphonie d'Eduard Tubin un jalon à son oeuvre, jalon noir s'il en est; une pièce sévère et froide aux croisements des langages, entre la plastique orchestrale et l'ombre du romantisme, ici réduit à son expression la plus crépusculaire, et la plus impuissante : pas d'émotions ici... c'est à nous de les mettre.

note       Publiée le jeudi 31 décembre 2009

dernières écoutes

    Connectez-vous pour signaler que vous écoutez "Symphonie n°8" en ce moment.

    tags

    Connectez-vous pour ajouter un tag sur "Symphonie n°8".

    notes

    Note moyenne Aucune note pour ce disque pour le moment. N'hésitez pas à participer...

    Connectez-vous ajouter une note sur "Symphonie n°8".

    commentaires

    Connectez-vous pour ajouter un commentaire sur "Symphonie n°8".

    Arno Envoyez un message privé àArno

    En fait non, c'est beaucoup plus "beau" que du Chostakovitch... Il y a une science du contrepoint phénoménale là-dedans...

    Arno Envoyez un message privé àArno

    Merci pour cette découverte... Ca me fait penser un peu à un Chostakovitch sobre... mais avec tout de même plus de "couleurs", même si ça reste majoritairement dans des tons gris...