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Petit bréviaire du progressif selon G.O.D.

par Progmonster › mercredi 31 août 2005

La ligne éditoriale de notre site a toujours fait débat. Et tant que ce débat continuera à être alimenté par nos détracteurs, nos partisans et cette foule de plus en plus nombreuse qui vient gonfler nos rangs jours après jours, le coeur de Guts of Darkness pourra continuer de battre de ses pulsations anarchiques que beaucoup nous envient.

Cette différence de ton et cette indépendance que nous exprimons au travers du concept qui définit la direction que nous avons emprunté dès le départ, nous la cultivons précieusement, avec votre concours. Alors, rendons nous un instant au chevet de celles et ceux qui ne peuvent éluder la question ; comment définir le sombre et l'expérimental dans les musiques que nous traîtons ? Et, problème plus épineux encore ; comment en déterminer les limites, quelle est la frontière qui distingue les musiques qui le sont de celles qui ne le sont pas ? La réponse est simple. Il ne s'agit pas seulement de subjectivité, c'est aussi et avant tout une question de bon sens. Sombre et expérimental, n'est-ce pas, après tout, la manifestation d'une démarche personnelle ? Avoir la capacité de traduire quelque chose de profondément unique dans lequel nous sommes finalement nombreux à pouvoir nous y reconnaître. Il y a bien sûr le facteur inédit, les recherches, les tentatives ; toutes ces expériences menées par un nombre incalculable de musiciens, de toutes origines, de tous styles et de tout temps, à vouloir, si pas transgresser, en tout cas sublimer le langage dans lequel ils évoluaient pour essayer de porter le message toujours un pas plus loin. Et puis il y a la mise en lumière de cette parcelle bestiale enfouie au fond de nous, et qui se traduit en un panel de sentiments divers et parfois contradictoires, mais tous engendrés par la passion : la mélancolie, le désespoir, la peur, la tristesse, le dégoût ou la haine. Sombre et expérimental ne sont pas toujours liés ; on peut apprécier une musique sombre sans qu'elle soit expérimentale, ou, à contrario, une musique expérimentale sans qu'elle soit sombre. La nature humaine fait le reste : très souvent, l'un n'est jamais bien loin de l'autre... Et, qui plus est, nous traîtons les deux, indépendemment des cas de figure.

En ce qui concerne la musique progressive en particulier, vous l'aurez compris, le but de Guts of Darkness n'est pas de présenter un répertoire exhaustif de toutes les tendances et de tous les groupes à s'être inscrits dans cette esthétique au champ finalement très vaste. Pour cette raison, amateurs éclairés comme fanatiques patentés n'auront aucun effort à fournir pour comprendre que l'absence de telle figure ou de telle déclinaison musicale ne résulte en aucun cas d'une dichotomie manichéenne motivée par une simple affaire de goût, mais bien la résultante d'un choix objectif où le seul filtre opérant n'est autre que celui des deux mêmes critères qui régissent la ligne de conduite de Guts of Darkness ; à savoir répertorier les musiques sombres et expérimentales. Ce qui est valable dans le cadre des musiques progressives, l'est aussi pour tout autre style de musique. À titre d'exemple, toutes les musiques rock ne sont pas systématiquement et forcément sombres et expérimentales. Seules celles qui le sont feront l'objet de toute notre attention.

Ainsi, parmi les courants progressifs concernés par notre approche et représentés dans nos pages, vous trouverez dans les grandes lignes les cinq styles figurants ci-dessous.

Canterbury

Définition historique

Soft Machine Canterbury est une ville. Certains journalistes de l'époque ont cru bon de cerner un genre en lui attribuant le nom de la région d'où provenait la majorité de ces artistes, bien qu'il existe des exceptions qui confirment la règle. Le terme est, quant à lui, resté. Bien que le style ait commencé à se développer un peu plus tard, on peut considérer que la genèse de ce courant prend racine en pleine période psychédélique, à savoir au milieu des années soixante. Cette esthétique est virtuellement morte, beaucoup des représentants de cette école s'en étant aujourd'hui volontairement écarté. Néanmoins, il subsiste encore des groupes qui tentent de ranimer la flamme, majoritairement aux États-Unis.

Définition stylistique

Pour faire court, le Canterbury est une forme plus débridée de la scène jazz british de l'époque où éléments psychédéliques, rock, jazz et même avant garde s'entrecroisent pour donner naissance à quelque chose d'unique. Majoritairement dominés par les claviers, les instruments de prédilection de ces formations sont le piano électrique (Fender Rhodes) et l'orgue Hammond, pouvant mêler ainsi sonorités évanescentes héritées du jazz électrique et relans pastoraux du plus bel effet. Sans réelle concurrence, deux écoles s'affrontaient néanmoins en son sein ; une exclusivement instrumentale où l'héritage jazz est lourdement marqué (Soft Machine), l'autre plus proche d'une esthétique pop notamment grâce à la présence appuyé du chant (Caravan).

Pour approfondir : Calyx - The Canterbury website

Kraüt Rock

Définition historique

Quelques disques Kült du Kraüt... Le Kraüt Rock souffre finalement du même malentendu qui s'exerce encore et toujours sur le style Canterbury. Parce qu'à l'aube des années soixante-dix une scène allemande importante se jetait elle aussi à corps perdu dans l'aventure progressive - encore pop à l'époque - on a cru bon de réunir tout ce qui venait de Bavière sous un seul et même étendard, le Kraüt Rock, vous l'aviez devinez, bien qu'il ne reflète pas du tout la diversité des genres représentés par les formations allemandes. En tant que tel, le Kraüt Rock n'existe plus, mais son approche stylistique perdure et continue à avoir une considérable influence sur des formations modernes voguant entre néo psychédélisme et post rock.

Définition stylistique

Le dénominateur commun qui relie les formations allemandes - en dépit de leurs différences - c'est avant tout leur goût prononcé pour l'expérimentation électronique. L'école planante (avec Tangerine Dream) qui s'en est extrait en est la preuve la plus flagrante. Si les exposés sont généralement longs, extrapolant comme leurs voisins anglo-saxons les enseignement du psychédélisme, les allemands s'emploient à rester plus proche de cet esprit, ne choisissant que très rarement le parti pris des signatures rythmiques compliquées hérités du jazz mais, à l'inverse, insistent sur leurs côtés répétitifs et lancinants. Amon Düül II, Can, Faust et Neu! en sont les représentants les plus singuliers, mais les nuances entre chacunes de ces formations sont parfois très importantes.

Pour approfondir : The Krautrock Album Database

Rock in Opposition

Définition historique

Avec la Zeuhl, le Rock in Opposition (ou R.I.O.) est le seul courant rattaché au progressif à s'être défini selon ses propres règles. Il fût à l'origine créé par l'ancien batteur de Henry Cow, Chris Cutler, au milieu des années soixante-dix dans l'optique de réunir sous forme d'association tous les groupes (majoritairement européens) partageant une approche musicale plus ou moins similaire, dans le but de s'entraider pour trouver des plans permettant de se produire dans le pays des uns et des autres. Ce n'est donc pas, comme on aurait pu le croire, le manifeste d'une esthétique particulière mais bien un système communautaire d'idées entre formations peu enclines à faire des concessions.

Le Post Rock in Opposition, sommairement appelé ainsi parce que survenant bien après que le courant originel se soit éteint, émmergea à la fin des années quatre-vingt et reprit à son compte les tics d'écritures adoptés par les anciens. N'ayant culturellement absolument aucun lien avec le R.I.O., le Post Rock in Opposition continue à faire des petits et a considérablement grossi les rangs de la musique progressive la plus compliquée. Le collectif des Totémistes a été à l'origine de la grande majorité de ces groupes.

Définition stylistique

Henry Cow au grand complet Tout est dans l'intitulé : ce regroupement d'artistes voulait tout simplement proposer autre chose que le rock convenu qui dominait alors. Très souvent rattachés aux folklores urbains, ouvertement intéressés par tout ce qui touche aux formes d'art contemporain les plus abstraits, du jazz d'avant garde aux musiques purement expérimentales, ces groupes se distinguent par une écriture complexe aux structures souvent alambiquées à même de véhiculer un sentiment d'étrangeté, et que l'on rattache plus volontiers à la musique de chambre contemporaine, bien que ce soit, là encore, un raccourci qui veut tout dire et son contraire. Parmi les membres les plus influents, on compte Art Zoyd, Henry Cow, Samla Mammas Manna et Univers Zero pour le R.I.O. et 5 UU's, Miriodor, Thinking Plague et U Totem pour le Post Rock in Opposition.

Symphonique

Définition historique

Le Symphonique correspond à l'idée que l'on se fait généralement de l'idiome progressif tel que pratiqué à la grande époque. C'est le genre le plus répandu, celui qui a définit le progressif auprès des masses. C'est par là que tout a commencé. Les premiers enregistrements progressifs sont contemporains du "Sgt.Pepper's Lonely Hearts Club Band" des Beatles dont l'impact majeur sur la musique populaire n'est plus à démontrer. Les premiers groupes ont une approche encore assez timide, balancé entre racines jazz et blues. Mais le courant prend de l'ampleur dès 1969 et va culminer jusqu'en 1972, son âge d'or. La production des groupes phares du mouvement s'est peu à peu écroulée par une incapacité clanique à se renouveller, entraînant la mort définitive de ce courant dès 1977. Beaucoup se sont pourtant efforcés de le faire revivre ultérieurement, adoptant ses caractéristiques esthétiques sans en capturer l'essence.

Définition stylistique

Van Der Graaf Generator Un instrument, le Mellotron, va véritablement mettre sur orbite ce courant aux prétentions artistiques limpides : décupler les possibilités offerte par la musique pop. Avec sa sonorité si particulière, le Mellotron devient un allié de poids pour qui veut donner des accents néo classiques à sa musique, une référence qui restera longtemps en point de mire de la majorité des prétendants. Le premier Moody Blues en est un exemple frappant, suivi tout juste après par le premier King Crimson qui ajouta à ce soin du détail et du raffinement extrême la dose de folie et d'audace nécessaire. Concrètement, le format des chansons prend des proportions inédites, les nombreux thèmes se chevauchent dans de longues suites improbables où tout est possible. La grande majorité des figures les plus emblématiques de la musique progressive sont rattachés à ce courant (Emerson Lake and Palmer, Genesis, Gentle Giant, Yes).

Zeuhl

Définition historique

"Zeuhl" est le terme qui a été choisi pour définir toute musique affiliée à Magma, groupe français du début des années soixante-dix, au projet unique. Magma est finalement plus proche du jazz que du prog, dans le sens où son géniteur, Christian Vander, a essentiellement mis sur pied ce véhicule pour faire perdurer "le cri" de John Coltrane et de tous les musiciens jazz s'étant embarqués dans l'écriture modale pour ensuite extrapoler davantage dans une forme free aux relans mystiques. Le maître mot ici est : "élévation". De plus, Vander a entouré son concept en créant toute une mythologie autour d'une planète (Kobaïa), en a inventé le langage (le Kobaïen). "Zeuhl" est un des mots de cette grammaire nouvelle - à l'instar du Klingon pour Star Trek - et dont j'avoue ne rien comprendre, mais là n'est pas l'essentiel.

Définition stylistique

Mäagghhmmmhmhmmmäa Esthetiquement, la musique Zeuhl est très énergique, souvent tirée par des lignes de basses qui tournent à l'infini, créant une sensation d'hypnose et les rythmiques y sont infernales. L'élévation se caractérise par le développement répétitif de thème qui créent cette espèce de tourbillon dans lequel l'auditeur est transporté, quasiment en état de transe. On retrouve certaines de ces caractéristiques - pas toutes - dans des groupes tels que : Bondage Fruit, Dün, Eskaton, Guapo, Happy Family, Koenji Hyakkei, Kultivator, Ruins, Weidorje ou Zao...

Pour approfondir : Muzïk Zeuhl

Mots clés : progressif, canterbury, kraüt, rock, opposition, symphonique, zeuhl et historique

Dernière mise à jour du document : jeudi 17 août 2006

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