Judith › Pills

Comment se positionner face à un disque préfigurant la mort d'un artiste ? La question est abrupte et quelque peu déplacée car ce n'est généralement qu'à posteriori que l'on est en mesure de se livrer à ce type d'analyse; on se souvient du terrifiant 'Whore's mouth' de Rozz Williams où il devenait facile de déceler en filigrane ses projets de suicide...L'avait-il réellement déjà planifié ? La musique servant de catharsis, on souhaite à chaque fois qu'elle suffise à libérer l'artiste de ses démons. 'Pills' est l'ultime offrande de Judith, un simple maxi où l'on sent poindre une certaine lassitude et dont les paroles ne trompent pas. Chantées avec une douceur amère, elles n'en demeurent pas moins sans appel: 'Save me from my destiny, my destiny is all wrong', 'Valium speaks to me', 'Tonight, I'm feeling rather sad'...Quelle ironie ! Jamais textes ne furent si personnels sur les albums les plus sombres et les plus deathrock du groupe. Curieusement, 'Pills' m'évoque volontiers une version indie goth de Nirvana dernière époque, le beau timbre de Christopher David a perdu de sa gravité, il sonne juste un peu cassé, fatigué, évoquant un Kurt Cobain moins rocailleux; les orchestrations sont tranquilles, électriques mais sans agressivité, sans beaucoup de relief non plus. C'est agréable, mid-tempo, avec un ou deux sursauts ('For you') mais peu de saveur sous la langue...Dommage, tellement dommage pour ce combo qui avait la classe. Bien sûr, rien d'urgent ni d'écorché comme chez Rozz et il faudra quelques années encore avant que Christopher ne décide de tirer définitivement sa révérence mais à la lumière de cette mort tragique, ce maxi apparaît comme on ne peut plus prophétique et on eût souhaité qu'il fut plus beau, plus puissant mais il était sans doute déjà trop tard...