F.D.Project › Moments of Life

Frank Dorittke est comme un neurochirurgien sonique. Son patient? Tubular Bells. À force de passion pour ce classique de musique minimaliste, composé par Mike Oldfield en 1973, l'homme derrière F.D. Project réussit à décortiquer chaque fibre nerveuse de son introduction et à extraire des brins de mélodies cachés entre deux rayures afin de développer d'autres phases tout autant harmoniques qui déposent leurs airs enchanteurs non loin des racines de l'œuvre original. Sculpté dans la nostalgie et le chagrin, suite au décès de son père, “Moments of Life” est une œuvre intimiste où le guitariste et synthésiste Allemand ostracise les démons de son affliction. Des rythmes lourds et lents, imbibés d'ambiances nostalgiques et trucidés de solos ravageurs, rageurs et pleureurs, “Moments of Life” rôdent entre nos oreilles sur de belles structures minimalistes où les influences très notables de Mike Oldfield croisent les harmonies très acérées de Klaus Hoffmann-Hook.
Les 20 premières minutes de ce dernier opus de F.D. Project sont injectées de ses influences passionnelles à l'égard de Mike Oldfield. Et c'est dans les vents creux de "Unlimited" qu'il fait danser ces accords qui sautillent en parfaites symbioses sérielles, rappelant ces harmonies spectrales qui tissaient l'introduction de Tubular Bells. Les nuances sont fines. On dirait un remix avec des pluies d'étoiles musicales et des stigmates de voix spectrales qui accompagnent un mouvement plus sphéroïdal. Un mouvement toujours enchanteur qui dévie délicatement de son enveloppe hypnotique pour épouser un bon slow contemplatif martelé de sobres percussions. Le ton est sombre, très mélancolique. "The Return of O. (Part IV)" explore un peu plus le côté rageur de l'œuvre culte de Mike Oldfield avec une structure plus rock qui s'apparente aux prestations en concert données dans les années 80. Je pense à Cologne entre autre. "Paradise" présente une intro ambiante avec des larmes de guitares qui pleurent dans une enveloppe sonique aussi mystique que cosmique. Les solos se font écho comme des gros sanglots qui s'époumonent dans un poignant blues cosmique alors que tout doucement "Paradise" épouse les courbes d'un bon slow cosmique, un peu plus violent que la finale de "Unlimited" mais tout aussi envoûtant. Les rythmes lents, bourrés d'émotions sont légions sur “Moments of Life”. Après "Paradise", c'est au tour de "Perfect World" de charmer notre âme. C'est un très beau titre où la guitare de Frank Dorittke échange de bons solos harmonieux avec un synthé aux chants torsadés sur une structure finement spiralée où les notes qui roulent comme un minimaliste carrousel allégorique sont aussi fortement inspiré par Mike Oldfield. La finale est déchirante avec ses lents solos aériens qui trouvent toujours une façon de bouleverser notre état de contemplativité.
"Solar World" offre une structure de rythme minimaliste où les arpèges donnent l'impression d'arpenter, sur le bout de leurs accords harmoniques, une montagne sans fin. Le rythme est délicat et tournoie dans des vapeurs d'éther et des nappes de voix absentes pour finalement s'offrir à des frappes de percussions qui moulent un rythme lent que des solos de synthé embrassent de leurs étreintes roucoulantes. Il y a un subtil crescendo dans "Tiger", un petit bijou, qui fait courir ses ions en de fins zigzags. Des ions fébriles qui sautent dans les ombres harmoniques du suivant, structurant un rythme vif et finement saccadé qui s'arrime à de sobres frappes de percussions. Le rythme est extrêmement magnétique et tournoie avec de fines nuances dans ses rotations dans des brumes iodées et des vapeurs de voix éteintes avant d'être happé par des pulsations organiques qui résonnent sous des solos vampiriques. "Dreamcatcher" se démarque grâce à son approche nettement plus éthérée. Une approche très méditative avec une guitare qui disperse ses solos solitaires, ses harmonies et ses riffs hachurés sur une délicate structure de rythme dessinée par des arpèges déguisés en pulsations basses dont les sautillements tournoient dans une enveloppe sonique plutôt onirique. Composé en la mémoire de son père, "6 Minutes of Silence" est une ode au recueillement. Hyper sensible, dessiné dans la douleur, le titre offre à notre sensibilité des notes de piano qui pleurent les brises des vents. Des vents aux couleurs de la nostalgie qui doucement se transforment en souffles d'oracles aux voix aussi séraphiques que chagrinées.
Comme toujours, les œuvres de F.D. Project enchantent de par leur nature harmonique magnétisante. Les mélodies sont aussi fragiles et troublantes qu'une symphonie de verres de cristal dans un état de sommeil paradoxal. Plus intimiste et plus mélancolique, “Moments of Life” n'échappe pas à cette règle d'or de Frank Dorittke. C'est un album doux, tendre, même si par moments la rage de la douleur se fait sentir, voire même romantique qui se faufile entre nos oreilles et creusent un confortable lit douillet au fond de notre âme. Voilà un compagnon idéal pour les lentes nuits agonisantes de novembre.