Graham Collier › New conditions

Le titre laisse sous-entendre qu'il y a du changement dans l'air. Et de fait, même si les musiciens impliqués dans ce nouveau périple hors normes du contrebassiste anglais sont des habitués, c'est bien la première fois qu'on les retrouve si nombreux, tous ensemble ! A douze, la richesse des textures est, on s'en doute, sans commune mesure avec ce que Collier nous avait donné à entendre jusqu'à présent, et c'est bien sûr de manière péremptoire que débute ce nouveau gros morceau de musique où les trompettes conjuguées de Beckett, Duncan et Lowther jouent à l'unisson des thèmes composés pour chacun d'entre eux dans un contexte qui se veut, avant toutes choses, on ne peut plus libre. La liberté, c'est donc le leitmotiv de cette session de 1976. "New Conditions" est peut-être le plus Tippettien des disques de Collier, mais l'artiste ne se laisse jamais submerger par la surenchère et la recherche de l'exploit à tout prix, comme on a pu l'entendre, et le savourer, dans les grandes formations d'Alan Silva, pour ne citer que lui. A cheval entre tradition et avant-gardisme, le groupe de Collier donne l'impression de prendre part à une bataille, seulement interrompue par quelques moments de répits où les soldats rechargent leurs armes à feu. A ce petit jeu, le soprano Alan Wakeman montre une fois encore à quel point il est une fine gâchette ("Part 5 & 6"). Rien à voir cependant avec l'apocalypse d'un Peter Brötzmann... Comme toujours, l'impétuosité chez les anglais se fait avec soin, et s'ils ne manquent pas de ressources dans le domaine, d'aucun pourrait se plaindre d'un manque de laisser aller dans leurs délires free. C'est sans compter que c'est précisément dans cette part de frustration que se situe tout l'intérêt du disque, un peu dans l'esprit du célèbre Trio de John Surman. Les silences et les explosions qui se succèdent glissent sur nous de manière insidieuse et nous comptent un récit tumultueux auquel ils nous invitent à prendre part. Et je m'en fais l'écho.