The Black Heart Procession › Amore del tropico

Le choix du titre laisse rapidement suggérer qu'il y a du changement dans l'air. Et en effet, pour ce quatrième album, The Black Heart Procession se pare de couleurs, un peu comme l'avait fait les Tindersticks avec l'album "Simple Pleasure". Nulle trace cependant de leur théâtralité exagérée qui agace autant qu'elle fascine. Plus que jamais, sans en revêtir les apparâts rock, The Black Heart Procession semble emboîter le pas à cette vision ronde et généreuse qu'avait abordé les Afghan Whigs sur "1965" avant leur split définitif. L'instrumentation se diversifie, les violons, les cuivres ne se contentent plus d'être de simples éléments du décor mais y prennent vraiment part, et la batterie s'émancipe quelque peu du rôle d'intermittent du spectacle dans lequel on l'avait enfermée sur leurs deux derniers albums. Des choeurs féminins viennent souligner quelques passages sans en faire des tonnes et donnent à bien des titres des allures de production Spectorienne ou Gordyesque biaisées et perverties ("Did You Wonder" et "Only One Way" sont à ce jour les seuls titres issus de leur répertoire qui s'approchent le plus d'un calibre de single potentiel). Malgré tout, The Black Heart Procession continue en vers et contre tout à dessiner de petites saynettes qui se nourrissent autant de l'atmosphère de fins de soirée dans les bals pouilleux d'un bled paumé, des bars à putes enfumés et des mélodies aussi poussiéreuses qu'ancestrâles qui poussent dans les recoins les plus glauques de la planète où l'homme allait noyer son désespoir dans l'alcool. Il est sans doute encore trop tôt pour dire si on se lassera assez vite de cet étonnant quatrième album qui affiche et assume parfaitement un revirement réussi sans compromission. Quoi qu'il en soit, et pour l'heure, ses mélodies accrocheuses et son ambiance sonore plus enlevé sont des arguments bien engageants qui, sans trop d'efforts, stimulent les écoutes prolongées et répétées. Maintenant, est-ce leur meilleur ? J'ai toujours autant de mal à les départager...