Holger Czukay/Rolf Dammers (Technical Space Composer's Crew) › Canaxis 5

  • 1969 • Music Factory SRS 002 • 1 LP 33 tours
  • 1982 • Spoon SPOON 015 • 1 LP 33 tours

lp • 2 titres • 37:54 min

  • A
  • 1Boat Woman Song17:39
  • B
  • 2Canaxis20:15

informations

Enregistré en 1968 au Studio für elektronische Musik, Cologne, et au domicile d'Holger Czukay.

D’abord paru en 1969 sous le titre Canaxis 5, et sous le nom Technical Space Composer’s Crew, avec sur la face B une plage d’une durée de 24’30” nommée Shook Eyes Ammunition, cet album a ensuite été réédité une première fois en 1982 sur le label Spoon – tenu par Hildegard Schmidt, manager du groupe Can, dont Holger Czukay était un des membres fondateurs – sous le nom d’artistes Holger Czukay/Rolf Dammers, et sous le titre Canaxis, avec sur la face B un morceau éponyme, version raccourcie (20’15”) du précédemment cité Shook Eyes Ammunition. La version LP de 2018 – celle ici chroniquée – reprend la pochette, le nom d’artistes et le titre d’album de la version de 1969 (Technical Space Composer’s Crew/Canaxis 5), mais avec les titres et durées de plages de la version Spoon de 1982. La version CD sortie également en 2018 et sur le même label, Grönland, comprend deux plages supplémentaires : Cruise (4’35”) et Epilogue (2’14”).

line up

Holger Czukay (bandes, studio, basse), Rolf Dammers (co-production)

chronique

Extraordinaire plongée ! Et immédiate… Même abstraction faite de l’année de parution (1969), de réalisation de l’objet (1968), ce disque – Canaxis, avec ou sans chiffre ajouté – sidère. On y est jeté, aspiré. Une chorale, un orchestre, en fragment – manifestement européens… mais on ne sait rien de plus – surgissent sans prémisse puis, immédiatement, se bouclent, comme un sillon qui saute. Puis ces autres voix, ondulantes, trajectoires oscillées mais fermes, incroyablement matérielles, présentes. On sait désormais – c’est indiqué le plus vaguement possible sur certaines éditions – qu’il s’agit de chanteuses vietnamiennes (qu’on imagine d’un village éloigné... De quoi ? De ce qu’on voudra : l’esprit, en tout cas, se met à dériver, à suivre son fil, son cour – d’ailleurs le titre parle d’un fleuve, d’un bateau, d’une rivière).

Holger Czukay – bassiste de Can, groupe qui venait alors tout juste de se former – manipule ces enregistrements, coupe les bandes, les monte, superpose des voix isolées. Enregistrements « de terrain », dits aussi « ethniques » (chacun décidera pour son compte ce que peut charrier une telle appellation – connotations, distances, catégorisations…). Assisté d’un certain Rolph Dammers (crédité laconiquement comme « co-producteur »), il donne à ces chants un autre espace, en modifie – littéralement – la vitesse, les timbres, et partant, la consistance, les teintes. Travail d’une précision assez inouïe – on imagine à peine les heures passées, avec les moyens de l’époque, pour qu’un tel montage ne donne à ce point jamais dans l’approximatif, que tout concorde, que la cohérence demeure… Qu’elle se fasse jour. Des complexes de sons se créent – superpositions de voix monodiques, mais qui ne semblent pas vouloir donner l’illusion d’une harmonie familière, d’une harmonisation qui les rendrait plus… « Occidentale ». Des instruments passent, guirlandes de sons brefs, mats – on pense à des lamellophones, des touches de bois dur, peut-être, frappées par des mailloches rustiques.

La face B, avec les mêmes outils, et des matières dont on ne nous dit cette fois pas du tout l’origine, ouvre un autre monde. Plus ouvertement axée – la face A en use aussi, mais plus discrètement – sur les résonances, délais analogiques, réverbérations modifiées par l’électronique, défilements traités à travers des effets qui amplifient, chargent, serrent ou étirent le signal, le flux, l’épaisseur des sons. On ne sait plus du tout – encore moins ; au cœur peut-être d’un étrange rituel tantrique, réinventé, la Ruhr s’accolant Tibet, Népal, sur ses rives ? – où l’on est arrivé. Car c’est encore plus fixe, on ne chemine plus – du moins, pour moi, c’est comme cela que ça procède. On y est, pourtant – indéniablement, ce lieu se mouvant autour de nous, vivant. Ça n’a guère à voir – tant mieux – avec de la « world music ». L’outre-où-que-ce-soit de ce territoire est assumé – voulu, obtenu à même la matérialité, les dimensions concrètes du son. Sans discours – pas sans intention. Que celle-là ne soit pas dite importe peu – et au contraire, c’est encore plus beau, encore plus captivant. Un espace – décidément – tout à fait libre mais aux horizons, aux proportions délibérés, ouverts mais exacts aux sens, à la perception. Pas d’explication – pas d’enfumage, pas de guide. Qu’on s’y perde – saisis par ce qu’on y trouve.

note       Publiée le vendredi 16 novembre 2018

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Gros Bidon Envoyez un message privé àGros Bidon

Je ne vais pas juger la création musicale qui ne laisse pas indifférent dans son audace sans limite mais plutôt le support vinyle ou CD réédité. Autant je trouve inutile les énièmes éditions "de luxe" d'artistes déjà archi connus et dont tous les fonds de tiroirs on déjà été publiés, autant pour cet album il manque la matière d'accompagnement : livret explicatif, photos ou vidéo d'époque, autres travaux acoustiques de l'artiste pour comprendre la genèse de l'album, remastering pour retirer les distorsions et saturations techniques, versions de la première édition en vinyle, etc. Bref, de quoi sortir une belle édition afin de capter toute l'ampleur de cette œuvre.

Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Apparemment le DVD (pas encore regardé, ici), c'est un téléfilm de 1988 (Krieg der Töne) AVEC Holger... Sinon il y a quatre morceaux tirés de Rome Remains Rome, dans le coffret, dont celui que tu cites.

Note donnée au disque :       
Aladdin_Sane Envoyez un message privé àAladdin_Sane

Tiens oui, le coffret "Cinéma", j'avais vu passer l'info au moment de sa sortie, je me demande ce que vaut (et ce que contient) le DVD. C'est vrai que "Movies" est plutôt pas mal dans le genre groovy et fun. Là aujourd'hui, je m'écoute le "Rome Remains Rome" (1987) et ça commence bien avec "Hey Baba Rebop"...

Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Sans aucun doute ! Pour ma part c'est plutôt l'inverse : je connais surtout celui-là mais je n'ai que survolé la suite, jusque-là. Ceci-dit j'ai chopé en médiathèque il y a peu le coffret/rétrospective nommé Cinema - 5CD + 1 DVD + un gros livret - et oui, là où j'en suis, j'entends déjà des trucs à creuser. Movies, le premier disque - et l'un des quelques trucs donnés en entiers dans le coffret (avec ce Cannaxis, dont l'ordre des plages a été permuté, et le truc des Vampyrettes avec Conny Plank ; pour les autres disques ce sont en général quelques plages par albums) - Movies, dis-je, sonne pas mal comme du Can tardif (ce qu'il est presque, à lire qui joue dessus, d'ailleurs), mais les trucs d'après, sous son nom seul ou pas seul, avec Phew, ou Jah Wobble et d'autres... Eh bien ça explore chaque fois autre chose, ces choses. Il essayait et s'amusait, l'Holger à bacchantes.

Note donnée au disque :       
Aladdin_Sane Envoyez un message privé àAladdin_Sane

Pas encore écouté ce Canaxis 5 mais je connais un peu le reste de la discographie solo du monsieur et il y a des choses vraiment intéressantes à découvrir. A bon entendeur...