Gérard Manset › The classic 2015 alternatif best of

Chez Gérard Manset, le statut d’artiste culte n’a rien d’un quelconque calcul carriériste. Perfectionniste, l’homme n’aime à laisser que les traces qu’il veut bien, quitte à effacer, changer, laisser mourir quand il l’estime nécessaire. C’est le prix de cette intégrité artistique que l’auditeur doit payer : disques peu réédités, peu promus, pas de concerts, très peu d’interviews… Pourtant, notre septuagénaire a toujours des choses à nous dire ; le voilà qui décide de revisiter ses quatre derniers albums ainsi que son énigmatique premier succès, ‘Animal on est mal’, livré ici dans une version claquante, enrichie d’un nouveau couplet. Deux volets, classique/alternatif, soit une sélection de morceaux plus calmes et une autre de ceux plus rythmés qu’il nous livre dans des versions épurées, comme s’il nous indiquait ce qu’il fallait en garder. C’était le propos de ‘Un oiseau s’est posé’, après quarante ans au sein de l’écurie EMI, l’artiste signe chez Warner grâce à une équipe qui le comprend, accepte ses silences, sa volonté ne pas courir les plateaux télé. Pour inaugurer cette collaboration, un album de reprises, en live dans les studio avec des invités (Axel Bauer, dEUS, Raphaël…). Celui qui se décrit comme fait de ’50 % de tristesse et 50 % de sagesse’ nous propose donc une face délicate, avec piano, guitare sèche, quelques cordes, des rythmes discrets, feutrés, portés par son timbre tremblant, presque ridicule quand il part dans les aigus mais pourtant si poignant dans son phrasé unique… ’Quand on perd un ami’, ‘La voie royale’, ‘Le pavillon de Buzenval’, ‘Le pays de la liberté’, ‘Comme un lego’… Autant de chansons grises sur lesquelles flotte un voile de lumière selon la place que l’auditeur veut bien lui accorder. Un second CD plus électrique, avec des titres plus claquants : le génial et presque new wave ‘Entrez dans le rêve’, véritable profession de foi de Manset et mon sésame pour son univers quand j’avais quatorze ans, le mythique ‘Animal on est mal’ dans une version alternative encore supérieure à celle d’avec dEUS… Exit les cris d’animaux, la flûte mélancolique, bonjour l’accord tranchant de guitare électrique et l’interprétation émotionnelle. Un inédit, ‘Rimbaud plus ne sera’, tiré de paroles écrites à la base pour Raphaël (beurk !), bouleversant road-movie pour couple, avec des textes forts ('Pourquoi veux-tu que moi aille changer le monde ?'). 'Être de ceux jamais contents, jamais heureux". Cette compilation n’a donc rien d’une simple resucée et se profile parfaitement dans la philosophie de son auteur ; bien évidemment, il manque énormément de choses mais c’est ainsi que cela fonctionne avec Manset, il faut savoir prendre ce que l’on donne, décrypter les codes, ceux qui voyagent en solitaire ne regardent pas derrière leur épaule pour voir si on les suit, il faut marcher à leurs côtés.