Le gros groupe initial de Bruce Lamont c'est Yakuza, nettement plus remarqué que Bloodiest, genre de supergroupe de l'underground chicagoan qui aurait pu s'appeler Wendigo. Ou Shaman. Dans les deux cas ça aurait été plus approprié, vu la puissance rituelle de cet album ample et massif, qui évoque les terres arrides et les maléfices améridiens, avec une ambiance de western à l'issue mortelle dans lequel les cavaliers lançés contre le vent ne se retournent jamais. Percussions outre-tribales, cascades de guitares outre-rituelles qui semblent effleurer la matière noire (entre autres clichés post-rock/core/metal qui sont ici transcendés), chant de vieux chef hermaphrodite préparant des breuvages aux pouvoirs secrets modifiant la perception de l'auditeur-guerrier jusqu'à ce que ce chant-même lui semble inhumain arrivé au terme du voyage (Lamont est pour rappel un des vocalistes les plus atypiques qui soient), tant il sera défiguré par les effets. Sans parler de ces accents tragiques qui serrent souvent la gorge, menaçant comme un ciel noir tout au long de l'album... Un album métamorphe comme le sable, insaisissable comme l'étalon dessiné sur sa pochette : deux corps pour une seule tête, ou quatre pour deux ? Avec une crinière commune ? Combien de sabots ? Combien d'âmes ? Kylesa ? Neurosis ? Angels of Light ? GYBE ? Woven Hand ? Et pourquoi ne pas arrêter de tenter de saisir les contours de l'insaisissable, et simplement laisser toutes ses saveurs comparatives qui nous parasitent l'esprit tels d'insupportables moucherons disparaître dans les flammes sèches de Descent, et se laisser emporter nous aussi, dans ce son d'Outre-Amérique ? Un album unique en vérité, comme un long passage initiatique, de l'autre côté...