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4th Street Orchestra › Ah Who Seh? Go Deh!

  • 1976 • Rama RM 001 • 1 LP 33 tours
  • 2006 • EMI records 0946 3 59624 2 0/CDFL 2050 • 1 CD

lp • 10 titres • 31:21 min

  • 1Ah Who Seh3:10
  • 2Za-Ion2:24
  • 3Jah Chase Dem2:51
  • 4Half Way To Za-Ion2:37
  • 5Run Dem Out2:49
  • 6Out-A-Order3:02
  • 7Sing-A-Man3:05
  • 8Go Deh3:10
  • 9Rite Dem3:01
  • 10Raw Kut3:12

informations

Non crédité. Produit par Dennis Bovell.

L’édition EMI de 2006 regroupe les albums Ah Who Seh? Go Deh! Et Leggo! Ah-Fi-We-Dis – tous deux sortis en vinyle sur le label Rama en 1976 – sur un seul CD.

line up

Dennis Bovell, les autres musiciens ne sont pas crédités.

chronique

En fait Dennis Bovell n’est pas jamaïcain. C’est un type de la Barbade. Autre Caraïbe. Exil semblable, pourtant. Mêmes coins sans doute, dans Londres la froide, où les plus vieux s’étaient posés avec toute la famille. De fait le gars, en cette année 1976, a bien compris, depuis un moment, comment on s’y tient, dans le milieu reggae local. Les réseaux par ou ça naît et dans quoi ça circule. La forme que ça doit prendre pour toucher dans la mentalité, le goût du quartier. Bovell joue d’un peu tout : guitare, basse, clavier. Son Sound System – Sufferer’s Hi-Fi – donne des soirées qui cartonnent. Un truc de taille modeste, certes – échelle municipale, peut-être bien communale. Mais qui fournit aux plus gros les galettes qu’il leur faut – tempo et son qui plaisent dans les rues où ça vit, où il vit, où ça finit les foules du samedi soir. Les déplacés – et surtout leurs enfants : Dennis lui-même habite par là depuis l’âge de douze ans – n’ont plus tellement à cœur d’importer la musique depuis l’île d’origine. Le reggae devient une affaire internationale – Marley, oui, est en train de passer par là. Et ces autochtones d’un autre genre – ceux d’Albion aux racines ailleurs – veulent en entendre qui sonne encore brut, certes, mais d’où s’exhalerait la fragrance de leur asphalte familier, la voix de pairs de proximité. Alors Bovell produit. Pour la refourgue donc et pour son compte, disais-je. Avec son groupe, aussi – Matumbi. Tout à distance portée-de-main. Des dup-blates, d’abord – dites aussi acétates : disques en exemplaires uniques, pressés pour les sono des DJ (ou selectors, en patois de l’île première), destinées au départ à ce que nulle boutique n’en voit la couleur. Cette année là pourtant lui vient une idée… La durée de vie desdites acétates – concurrence et surenchères jouant, c’est même le principe – est courte, par essence. Ces morceaux sont des coups. L’un chasse l’autre, ainsi de suite. Il faut nourrir l’incessant mouvement. Le public d’ici, pourtant, n’est pas celui de Kingston. Son oubli est moins prompt. Acheter des disques – parce qu’aussi, là, la misère matérielle est un peu moindre peut-être – ne le rebute pas. Alors Dennis attend. Et réfléchit, monte, articule des suites avec ses plus belles faces. Au moment idoine, il décoche. Ainsi, en l’espace de quelques mois, balance sur le marché deux albums d’une même sève. Une saignée presque – comme on dit pour la récolte de latex où l’on taille l’hévéa – dans le goût du cru ; la variété qui pousse – un poil plus dru – sous ce climat. Le principe est simple : les quelques semaines écoulées où ces morceaux tournent en public, en ciruit scellé, Bovell se saisit de la mémoire immédiate de l’auditeur, lui flanque entre les mains cette dizaine de gros bouts qui avaient fait combustible aux nuits tout juste passées, leurs traces même pas encore éteintes. L’homme, aussi, a l’intelligence de ne pas emballer le tout n’importe comment, en vrac. Il planifie, construit ses disques comme un mix. Morceaux chantés et versions dub des mêmes s’y retrouvent bien ; mais pas comme au pays, enchainées l’une à l’autre sur le vinyle ; au lieu de ça, le séquençage se fait joueur, détourne l’attention en passant à autre chose puis vous renvoie d’un coup le double trafiqué de ce qui vous accrochait deux plages auparavant – afin que ça vous traverse à l'envers le cortex comme un réminiscence à l’heure où l’attention change de côté de la ligne. Puis il faut plaire à d’autres, aussi, qu’à ceux des lointaines latitudes – ce ne sont pas les mêmes bandes, ici, qui se rendent aux "blues-dance" ; sans aucun doute, ceux-ci ont des oreilles ailleurs, habituées à d’autres sons, d’autres chants, d’autres vitesses. Et de fait, si Ah Who Seh? Go Deh! – premier des deux disques sorti par Bovell sous le nom de 4th Street Orchestra – envoie dans les basses lestées, la batterie qui tape lourd en contretemps, les voix de rastas qui filent ou flottent ou coulent… Quelque chose diffère, subtilement, dans la lignée où ça se place. Un accent – rythmique autant que dans le parler – qui n’est déjà plus tout à fait le même. Une tendance à tracer, en fait, imperceptiblement plus rapide, plus stressée. Un écart climatique, aussi ; non que cette musique – ô combien peu – soit froide mais… Son grain, sa densité, semblent s’adapter aux frimas, à l’hygrométrie de la cité, faire bloc contre elle, autrement. Autres terrains, autres braises. Les musiciens, aussi – leurs manières plus diverses, puisqu’il faut s’adapter à des tympans moins exclusifs – jouent autrement de cette propension héritée de leurs ainés, à récupérer des fragments, à les recombiner, à en changer le contexte. Ce sont d’autres matières – écoutez donc le début de Out-A-Order… j’ai personnellement mis un temps ridiculement long à resituer où ils avait pillé cet évident motif, si familier sans que j’arrive d’abord à le cerner – qui passent par les transformations. Ce sont des visées qui essayent d’autres choses : pour s’imposer, dévient du canon. Bovell – avec probablement une partie des mêmes musiciens (difficile de l’affirmer sans faute, le personnel n’étant à priori crédité sur aucune édition de ce disque ou de celui qui le suit) – fera bientôt plus audacieux encore, informera sa musique de sources sans doute plus exogènes – et de manière plus évidente, plus frontale. Avec le Dub Band, entre autres, ou bien au sein de l’éphémère collectif Poet And The Roots. Ce disque-ci laisse déjà – ses dix plages écoulées – une singulière empreinte. L’impression presque inexplicable que ce n’en était pas seulement un de plus dans la pléthore aux excellences que nous ont laissé le genre et l’époque. Celle qu’autre chose commence à s’affirmer, d’une tenue particulière, plein de promesses dès lors en mouvement, d’idées qui se réalisent dans l’instant presque où ceux-là les formulent… Une question de consistance qui s’avère bien moins commune qu’on aurait d'abord cru.

note       Publiée le dimanche 9 février 2014

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    zappymax Envoyez un message privé àzappymax

    J'ADORE QUAND GUTS TATE DE LA REGGAE MUUUUUUSIC, QUI RECELE QUELQUES BONNNES VIEILLES - et moins vieilles -PEPITES PARFOIS SOMBRES, SOUVENT EXPERIMENTALES ... GO ON, GUTS !

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    Bah j'étais tombé dessus sans jamais avoir entendu le nom - la version CD qui regroupe les deux albums - chopé sur une vague intuition avant de comprendre qu'il s'agissait de Dennis et sa bande... Moi j'aime vraiment bien ce dub là. Après c'est sur que c'est pas encore LKJ... C'est plus brut, et plus proche du son jamaïcain de l'époque, malgré que donc, pour moi, le côté local du truc commence à s'affirmer. Je ne connais pas celui que tu cites, par contre (et faut se méfier avec Bovell... Il est aussi capable de trucs taillés pour le marché de la variét' internat', à l'occase - ou de trucs qui ne vieillissent vraiment pas super bien, simplement. Certains du Dub Band, par exemple).

    eric burden Envoyez un message privé àeric burden

    tiens, j'ai essayé le dernier, le higher ranking dub, qui finit par ces trois reprises qu'il fallait oser (Take five, my sweet lord et exodus (oui, ce meme hymne que les SC3 ont joué aussi, la seule qui marche bien d'ailleurs, de ce trio)). Pas sur que ce soit pour moi, contrairement à LKJ. En cherchant tres mollement, je n'ai pas trouvé les deux que tu as chro. Il semblerait que l'oubli est principalement en charge de leur mémoire.