Si Alan Vega avait joué du punk rock, et s'était déchaîné sur une Gibson SG au lieu de s'acharner sur son micro... Il aurait peut-être enregistré ce genre de single-miracle, insurpassable même au sein de la disco des Wipers. Ici l'énergie revancharde de Is this Real est retrouvée, sans perdre le désespoir sans rémission de Y.O.A. ou Over The Edge. Romeo est un voyou solitaire, errant jusqu'à se perdre dans les suburbs glauques et froids de Portland, en rut dans un dédale de clotures en bois couverts d'affiches déchirées, au milieu des sacs plastiques qui volent et des chiens enragés. À la recherche de sa Juliette, mais il y a peu de chance qu'il la croise à cette heure-là et dans un lieu pareil. Un tube donc, qui raconte une histoire et en même temps donne des fourmis aux guiboles. Plus basique est la face B, No Solution, typique de ces démos bourrées de charme que Sage a semé sur la réédition "Wipers Box". On dirait du Warsaw, en plus bouseux américain, forcément. C'est un squelette lancinant, fait de frustration adolescente qui ne trouve pas d'issue, du même bois frêle et las que Summertime Blues de Cochran. Cette frustration, au centre de la musique des Wipers, n'est bien sûr pas la même que celle vantée dans les million-sellers du "punk" mélodique des années 90, ou du néo métal. C'est même l'opposé. Greg Sage les regarde du trottoir d'en face, main dans les poches, blouson en cuir sur les épaules, les yeux qui semblent dire "quand tu allais je revenais".