Welington Irish Black Warrior/Kunz › WIBWKUNZ

Quand l'entité Welington Irish Black Warrior croise un alter ego du nom de Kunz, la collaboration releve dès lors d'une logique imparable et lorsque ladite collaboration se révèle des plus fructueuses, la tentation est forte de poursuivre ce qui devait n'être qu'une expérience unique. Tant mieux pour nous puisqu'elle a fini par prendre la forme d'un cd aux lignes sobres et noires à l'image d'une musique qui n'a besoin que de peu d'image tant elle porte son identité et son pouvoir en ses lignes. Croisant no wave, noise rock, psychédélisme torturé et tortueux et je ne sais quoi encore, la machine de guerre emprunte aux WIBW une tension sur le fil de rasoir, une ombre dense et grinçante en poussant plus loin le sens de l'expérimentation et paradoxalement de la mélodie sur une chanson comme 'Sad, sad, you were my only friend'. On retient de la technique de jeu le choix de dépouiller chaque instrument pour le laisser exister à l'intérieur d'un tout et de ce point de vue, la production est remarquable de cohérence. Malgré la violence intrinsèque, aucun chaos, chaque ligne ressort dans toute sa pureté sans pour autant monopoliser l'attention par rapport au but suprême, le morceau. Si 'Sad, sad you were my only friend' trompe par une approche indie passée à la moulinette hardcore (la dualité entre la basse qui bourrine et la tristesse claire des lignes de guitare frappe juste), d'autres compositions semblent laisser aux musiciens un espace d'improvisation où chacun peut laisser tourner ses boucles jusqu'à se laisser hypnotiser ('If you move I kill you'). Parfois les deux aspects se croisent et fusionnent comme sur 'Pardonne-moi je suis un animal' qui évoque de belles heures de Sonic Youth, s'écoulant en un crescendo imperceptible d'où la guitare extrait ses solis après près de quatre minutes de musique, tandis que la voix se perd en gémissements étranglés, toussés, avant de scander ad Nauseam la phrase 'Pardonne-moi, je suis un animal'...On attend le climax, l'explosion mais non, la tension ne se dissipe qu'à peine et l'auditeur devra digérer cette montée d'adrénaline vicieuse. J'ai gardé le meilleur pour la fin, 'A satanist song by Bryjnar' (le titre témoigne de l'humour de nos jeunes gens), plus proche peut-être du son de Welington Irish Black Warrior...Une plongée dans l'abysse, lente et implacable, avec des sonorités monstrueuses, notamment la basse de plomb, la guitare grinçante, menaçante et prédatrice, comme tapie dans l'ombre, et les roulements cérémoniels. On frise le rock industriel dans cette structure apparemment libre qui nous conduit pourtant à un final déstabilisant et cependant logique. Un conseil, écoutez-ça au casque dans le noir.