Hardcore-punk et post-punk sont comme leur nom l'indique nés de la même semence... On a donc aucune peine à comprendre que Kylesa dans son genre de progéniture métallique, une poignée de décennies après les prémices, sonne comme quelque chose d'évident, d'entendu... d'attendu (le journalisme et ses effets de style, tout un art). Une métisse pulpeuse née d'un coït consanguin. Pour Static Tensions, le quatrième Kylesa, on devra passer outre la pochette particulièrement laide de John D. Baizley, habitué aux griffonnages laborieux de préciosité de petite lycéenne métalleuse option lourde arts plastiques, qui nous gratifie ici de teintes fades alors que Static Tensions aurait mérité un artwork encore plus rougeoyant que celui du précédent. Car c'est devant ce Static Tensions, et devant les rouages immémoriaux qui sous-tendent une beauté comme "Unknown Awareness", que je me rends compte que ma chronique de Spiral Shadow disait un peu de la merde quand même : Static Tensions n'est pas en reste pour ce qui est de se loger dans le ventre, c'est un album superbe, peut-être un peu moins printanier et aérien, un peu moins féminin que le sera le suivant, encore que le minois (délicieux) de Laura Pleasants soit suffisamment visible entre les riffs, et même dedans en fait. Static Tensions est donc un peu une affaire de femme, ce qui en fait un album caractériel : dans ses cris dévastés de vieux adolescents, la tourmente de ses montées en puissance, ses éclairs de heavy-metal épiques, son martèlement tribal, ses guitares en gouache vermillon. Dans sa fougue et sa passion, tout connement. C'est le genre d'album délicat à chroniquer, ne sachant comment démêler, disséquer ce qui fait Kylesa - à quoi bon ? - alors que tout semble évident et déjà entendu mille fois chez d'autres, parfois en plus gros si on pense à de grosses références qu'on sent venir à mille kilomètres comme... Neurosis, dont Kylesa est ici comme une version pour meufs, sensuelle, cruelle, saignante, celle qui se fait pas tout un panorama guerrier avec l'apocalypse ou ce qu'il y a après. Juste avec les doigts et la bouche. Static Tensions a le goût de la colère impuissante, l'odeur des routes après la pluie en plein été, des draps après l'amour, c'est le spleen suave et écorché dans la nuit, le cri punk primal qui foudroie. La saloperie intime quoi.