Il est des formations qui pensent faire leur maline en articulant leur nom autour d'une alliance, ce procédé rhétorique qui consiste à juxtaposer deux termes incompatibles afin d'en produire une surprenante mise en valeur ; le plus fameux étant sans doute Marilyn Manson, union contre-nature entre l'idole et le criminel. L'idée n'est pas nouvelle, puisque, au début des années 80 déjà, Christine Weyrether associa la pureté et la décadence pour nommer son projet solo : Maria Zerfall. Cette figure mythique de l'underground indus des années 80 ne fut redécouverte que tardivement, à la fin des années 90, grâce notamment au travail de Membrum Debile Propaganda, label dont il ne faut cesser de louer le bon goût. A travers ces enregistrements collectés, l'on comprend rapidement l'importance de cette artiste à la praxis autiste, que l'on peut considérer comme le chaînon manquant entre la première vague indus (TG, SPK) et les prémisses du heavy electronics allemand (il suffit de se réécouter les premières heures de Tesco Organisation, Loki, Art Konkret, Galakthorrö pour s'en convaincre). Le savoir-faire de Zerfall, étonnant de maturité malgré le côté artisanal de la chose, réside dans sa capacité à structurer avec une très grande précision ses ambiances mortifères. Chaque morceau semble porter une part d'expérimentation, de tentative, d'accident, mais le tout est porté par une détermination telle qu'aucune faiblesse n'est laissée apparente. Cette grande exigence formelle, doublée d'une maîtrise indéniable des saturations, me bluffe à chaque écoute. En effet, si l'on y retrouve tous les ingrédients du genre, dont certains sont devenus des poncifs (basse saturée, vociférations distordues, sons métalliques), tous sont utilisés avec pertinence. Le résultat ? C'est froid, gris, boueux, hostile. Bref, c'est excellent. Pour ceux qui seraient tentés à la lecture de ma dithyrambe : il devient malheureusement de plus en plus ardu de dénicher ce «Als wäre nichts gewesen», mais rassurez-vous, «Ich katastrophe» et «Kopfkrieg», réédités en CD, sont plus facilement trouvables. Ces références n'égalent certes pas la qualité de cet album, mais restent de bonne tenue.