Je connaissais bien entendu Marquis de Sade et Marc Seberg mais j'ignorais que l'équation rennaise contenait un troisième élément sous forme d'un projet du nom de Frakture crée par le bassiste des premiers, le temps d'un single ('Conrad Veidt'), Sergeï Papail. Personnage visiblement culte de la scène underground française, pionnier du punk dès la fin des 70's avec son groupe Fracture (dont le C se verra vite remplacé par un K), il se présente comme un artiste sans compromis, original dans ses choix notamment celui de chanter uniquement en allemand (il refusera même une offre de EMI qui voulait les signer mais à condition d'user de la langue de Shakespeare) ou de cesser sa collaboration avec Marc Seberg avant qu'ils n'enregistrent leur premier album. Un premier Ep sortira en 1980 marquant paradoxalement la fin de la période 1 de Frakture. Délaissant le mélange d'énergie punk et d'existentialisme post punk qui caractérisait le son de leurs débuts, le temps d'une ultime composition pour une compilation, Sergeï Papail s'en va lancer un nouveau projet, Sergeï Papail and the Scarlet Empresses, qui louche vers l'avant-gardisme que l'on retrouvait également chez Clair Obscur: post punk glauque et dissonnant où les basses lourdes, les saxos grinçants rythment des morceaux toujours principalement interprétés en allemand. Beaucoup d'énergie, un chant émotionnel construit sur des phrases lancées comme autant de coups de cravache mais une fois encore, l'homme passe à autre chose en collaborant avec la chanteuse Sapho, entre autres, avant de renoncer à la musique pour se tourner vers le syndicalisme et le journalisme. Mais comment résister aux sirènes musicales ? En 2004 sort une compilation sur un petit label de Rennes avant que l'exposition 'Des Jeunes Gens Mödernes' ne le rappelle sur scène pour une sublime interprétation du 'In den Kasernen' de Marlène Dietrich version cold wave contemporaine aux côtés de DC Shell. Dans la foulée, c'est Frakture qui est ramené à la vie pour de nouveaux morceaux côtoyant les anciens sur cette belle compilation signée Brouillard Définitif. A l'écoute de ces derniers on réalise tout d'abord à quel point le son de l'époque était moderne tant les trente ans qui séparent le tout ne semblent pas avoir de prise, ensuite que la flamme d'aujourd'hui brûle avec la même ferveur. Feeling punk intact, énergie torturée, paroles en majorité allemandes...Rien d'une nostalgie poussive, ces nouvelles pièces auraient pu être enregistrées à l'époque tant leur pêche est communicative, leur conviction sincère et l'artiste peut également s'autoriser une forme de calme un peu triste, de celles que seules les années permettent ('Burning rain', 'Silent world' au début étonnamment proche, me semble-t-il, d'essais ambient des Young Gods). C'est tout cela et plus encore que vous découvrirez sur ce disque, tentés ? Vous avez raison. 4,5/6