Witch › Witch

On pourrait en dire de même de bien d'autres genres, mais le stoner, le trad doom, et toutes formes dérivées axées sur le rétro Black Nazareth/Led Deepelin et consort ont la fâcheuse tendance de m'apparaître comme un amas de dévots pour la plupart sans personnalité à l'exception de quelques rares - mais notables - archevêques touchés par la grâce, et autres prêtres pédophiles prostrés dans les recoins les plus obscurs de la nef. Ces fervents, louant par essence aveuglément le même dieu sans se soucier du reste, se sont multipliés - à l'image des pains de Jésus - au cours de la décennie qui vient de s'achever, et j'ai vite fini par ne plus y chercher mon bonheur, las et assez peu boulanger dans l'esprit. Un des rares curetons a être restés dans mes filets est aussi un de ceux qui paye le moins de mine, avec sa toque miteuse. On peut même dire que son apparence est parfaitement débandante, à tous les niveaux. Nom impersonnel, pochette d'un premier degré et d'une naïveté absolue barbouillée par un gamin de 5 ans avec ses crayolas pour faire plaisir à son papa qui porte des T-shirt bizarres avec marqué 13 Floor Elevators dessus, titres guère plus à l'avenant... Paraît aussi qu'il y a un type de Dinosaur Jr dans le line-up. Antisexe je vous dis, comme entrée en matière. Eh bien figurez vous que contre toute attente on tient là un album à la fraîcheur assez insolente pour le genre, désinvolte, charismatique, généreux, porté par le même groove qui animait les meilleurs pendant les jeunes années de papa-maman. Une pure petite mobylette pétaradante, moteur au ronron irrésistible, chatterton enroulé autour des guidons avec amour et peinture vert pomme du plus bel effet. Un peu comme les Black Angels ou Wolfmother (pour taper direct dans le mainstream le plus générique), tout est ici d'un opportunisme et d'une simplicité soporifiques rien qu'à leur évocation, mais tout fonctionne à fond sans artifices ni tape-à-l'œil (au contraire des deux cités) - usant de clichés plus éculés qu'une vanne de Toto mais tapant souvent dans le mille par un effet de séduction qui m'échappe. Peut-être est-ce simplement que tout est fait avec cœur, que le timbre du chanteur vintage est aussi chou que les riffs au grain d'orge et les soli, radieux. Et qu'est-ce que ce "tout" je vous le demande ? Le rock'n'roll mon gars, et 7 bonnes lichettes de 70's espiègles et illuminées dans un verre des années Bush, avec comme climax LE tube chevelu à la Mudhoney façon Mudhoney l'album, envoyé en orbite tout solo dehors, le genre de morceau pour lequel bon nombre de groupes stoner se couperaient la bitte, à savoir "Rip Van Winkle" (antihéros qui aurait pu, selon le conte du même nom, s'endormir en 1975 pour se réveiller vingt ans plus tard, découvrant avec effroi et fascination tout ce qui a changé entre temps dans le rock ; mais aussi que certaines choses ne changeront jamais, comme cette foi indéfectible en un seul dieu : le rock lui-même). Alors certes, les vieux Monster Magnet ou n'importe quel Kyuss ou Cathedral auront évidemment vite fait de balayer le souvenir de cette charmante pétrolette, si vous voulez de la puissance solaire et du fun à en jouir dans votre pantalon. Mais que voilà une chaleur communicative, que voilà bien beau rayon de lumière. J'ai la naïveté de croire que les spécialistes seront du même avis. Demandez-leur donc.