Javi Canovas › Eigenspaces

Mes amis amateurs de MÉ trouvent que je manque quelque chose en ignorant la musique du synthésiste Espagnol. J’avais entendu ses 2 premiers albums et honnêtement je n’avais pas accroché sur cette MÉ aux rondeurs lourdes. J’avais trouvé cela tape à l’oreille et sans grandes convictions créatrices. Eigenscapes arrive donc sur ma platine et je dois admettre que le style de Javi Canovas a superbement bien évolué. Sa musique est devenue plus chaleureuse, moins synthétique. Un audacieux amalgame entre le cosmique spatiale aux ondes métallisées réverbérantes qui percutent sur des structures rythmiques qui avoisinent le rock et le funk, dans une ambiance mellotronnée qui rappelle certains passages de TD et même Schulze, notamment sur Where Was The Time.
Une sombre onde synthétisée étale les premières mesures de Living In The Emptiness. Une nébuleuse intro secouée par une fine approche séquentielle, aux tintements cristallins, et un synthé aux réverbérations échotiques qui échappent des solos érodés. Imprécis, le canevas musical s’enfonce dans les abysses d’un vide aux sonorités abstraites, comme des gargouillis de grenouilles cosmiques. Le tempo resurgit sur une séquence lourde et nerveuse, nappée d’un synthé métallique aux strates résonnantes qui rugissent dans un monde musical hétéroclite, sur une structure rythmique qui sautille comme un rodéo spastique dans un univers cosmique strié de solos filants. Where Was The Time est une étrange berceuse qui vrille en spirale ascendante sur une séquence au débit léger. L’environnement sonore y est étonnant avec ses criquets électroniques qui chantent constamment sur un synthé aux souffles lyriques absolument divins et très accrochants. Lost Sign est plus furieux avec une séquence lourde qui ondule à bonne vitesse dans une nappe synthétisée très délicate. Le synthé se moule à la structure rythmique avec une étonnante concordance, créant une subdivision séquentielle dans un univers sonore en constante ébullition avec des cercles et des stries aux ritournelles musicales syncrétiques et de bons solos qui clôturent le morceau. Séquence lourde qui avance comme un chat lourdaud, Blue T est un titre lourd avec une cadence funky rock électronique. Un doux mellotron, très TD, enrobe cette dynamique structure, créant l’illusion de deux cadences opposées qui fusionnent dans une totale harmonie. Un bon titre qui a de la gueule et qui sort de l’ordinaire, tout comme les frénétiques, funky et endiablés Forgotten Future et Interposition. Vector est d’une douceur très romanesque. Un doux piano perce une lourde brume vaporeuse et libère des arpèges aux intonations très nostalgiques. Un beau morceau qui me rappelle les délicatesses d’Ian Boddy. Après une intro caverneuse aux résonnances métalliques, une séquence ondulante et légèrement sautillante allume la cadence de Parallel World, accompagné de synthés aux souffles très TD qui précèdent une autre séquence au léger tintement cristallin, enrobée d’un synthé d’un fluide jazzé et aux solos circulaires, comme on retrouve aussi sur Interposition.
Diversifié, coloré et très cadencé, Eigenscapes est un album aux multiples approches musicales démontrant que Javi Canovas n’est plus juste un synthésiste parmi tant d’autres. Mais un musicien audacieux qui n’a pas peur d’approfondir ses idées en y ajoutant des touches de funk, rock et même de jazz, dans un univers sonore en constante évolution.