Sibsey › From my new heaven

En choisissant la voie du minimal electro-ambiant, Audrey alias Sibsey s'est jetée la tête la première dans un des pièges les plus délicats à négocier du D.I.Y musical. Autodidacte, rêveuse à n'en pas douter, posée et mélancolique, la jeune femme se retrouve confrontée à la simplicité de ses thèmes, la linéarité de ses à-plats sonores majoritairement constitués de nappes synthétiques et le minimalisme interpellant de ses boucles rythmiques. C'est une musique à l'allure extrêmement simple : les accords s'expriment lentement par les nappes qui s'enchaînent, les programmations rythmiques vont et viennent, toujours sobres, calmes et retenues, et là-dessus se promène le piano délicat et un peu tristounet dont les accords subtils et la structure des thèmes sont la chaire véritable d'une approche décidement contemplative et réservée. Car mises à part les quelques poussées de sons et de lourdeurs rythmiques qui viennent gonfler "Shall we dance", on ne trouvera rien de réellement saillant, de spectaculaire, rien de puissant ni de complexe dans l'univers muet de Sibsey... juste une formidable capacité à s'extraire du présent pour s'en aller révasser quelque part du côté des nuages, doucement accompagné du long vol silencieux d'une famille d'oies sauvages. Un piège, oui, car une telle simplicité alliée à une gamme de sons un peu vieillotte risque de mener tout droit au vide. Sibsey l'évite de peu. Quelques détails très soigneusement dosés de textures technoïdes qui viennent irriser le paysage, des patterns rythmiques dont la pauvreté agace d'abord, mais qui finissent par lentement s'imposer dans leur évidence et leur capacité à asseoir le cours pensif des choses qui passent, et enfin un sens réel du thème pianistique font de l'album de Sibsey un moment sans doute mince, mais plutôt agréable. Naïvetés, longueurs, gaucheries, simplismes, les défauts sont bien là, mais la sincérité avec laquelle Audrey Soyeux aborde ses propres et dangereux rivages immaculés lui permet de ne pas se tromper... de ne pas trébucher. C'est encore trop peu, mais ce n'est déjà pas rien, et si sur la longueur cette lente contemplation d'un ciel aux trois nuages peut sembler un peu morne, elle révèle néanmoins le pouvoir de Sibsey à oeuvrer dans le simple sans jamais s'y dissoudre. Un disque pour ceux qui ont le temps, pour ceux qui veulent le prendre. La mélancolie y est joliement associée à une foi merveilleuse en la beauté des choses, y compris les plus simples.