Frigg › Døenerfressing wøman

Frigg est une formation allemande bien obscure. Elle se devait donc d'honorer de sa présence les colonnes de Guts of Darkness. Une belle brochette de musiciens à ranger quelque part entre X-Legged Sally, Mr.Bungle, Estradasphere, Höyry-Kone, Creedle et Natfule's Dream. Le côté jazzy destroy des premiers. La volonté farouche de mélanger tout et son contraire des deux suivants. L'étrangeté des arrangements du quatrième surenchéri par la présence d'un violoncelle. L'énergie rock à tiroirs du suivant et, enfin, le gentil côté klezmer pas très net des derniers. Tout ceci ne devrait pas nécessairement nous induire à la conclusion hâtive qui désignerait "Døenerfressing Wøman" comme album supérieur à la somme des talents précités. Ce serait utopique de le croire. Mais, indéniablement, il y a un trait commun qui relie tous ces groupes et que l'on retrouve avec plaisir aussi ici. La même effronterie, la même arrogance iconoclaste enrobés d'un respect à toute épreuve des traditions musicales ainsi que de leur exécution. Ce rapport quasi puéril s'illustre plus volontiers sur les plages les plus courtes : le pastiche Hendrixien de "March to Miss the Victory", l'imbroglio de "Anyway" ou le toute gratte dehors de "Criss Cross". Frigg, dans l'ensemble, montre quand même de plus sérieux penchants pour une forme de jazz moderne qui ferait en sorte de préserver ce côté sans queue ni tête pour de futures récréations. Toutefois Frigg nous démontre ainsi qu'il n'est pas nécessaire de faire systématiquement le mariole pour être intéressant. "The Moon" ou "Blues X" font la part belle aux chassés croisés violoncelle/clarinette/guitare intelligemment négociés. Pour tout dire, les plus atmosphériques "She Was Six" ou "Inside" n'auraient pas dépareillé sur un Bill Frisell, un Henry Threadgill ou alors, dans un tout autre style, le Motor Totemist Guild. Cinq années plus tard, le label Knitting Factory les embauchera pour un album hommage à Brecht où le côté avant-garde à la John Zorn dynamitera de l'intérieur le peu d'humour qu'il leur restait encore.