Bondage Fruit › Skin

La dernière réalisation de nos japonais a de quoi surprendre alors que pourtant elle ne fait qu'appliquer, plus encore que ses autres sorties, son aspect zeuhl. Elle lorgne même franchement pour la première fois vers un aspect du Rock in Opposition (et dans ce cas-ci, on pense surtout à Univers Zero et Present). Jamais la musique de Bondage Fruit n'avait semblée aussi vaillante, prête à mettre à feu et à sang chaque parcelle de terrain que ses pieds s'apprêtent à fouler. Malgré ce descriptif chevaleresque (je m'emporte des fois, veuillez m'excuser), "Skin" ne s'abandonne pas à cette fougue irréspressible qui avait élevé le groupe sur "II", mais plus encore sur "III - Récit", au firmament des groupes d'inspiration vaguement progressive au tempérament explosif. "Skin" ne propose en fait que deux titres, mais deux longues orgies sonores qui assoient plus que jamais la réputation du groupe. Comment cela est-il possible sans leur légendaire débauche d'énergie ? Le pas est lourd et entêtant, et on sait d'emblée que l'on s'expose à un des plans les plus prévisibles de la musique : les longs crescendo. Mais on marche. On attend, fébrile… parce qu'on adore ça ! Avec leur cinquième album, Bondage Fruit gagne en profondeur, en véracité, ce qu'ils perdent en spectaculaire et en grand guignol. Comme si le groupe habitait sa rage toute entière, et la laissait deviner. Rien de plus frustrant en effet. Rien de tel non plus pour créer l'accoutumance. Toute proportion gardée, la philosophie générale du morceau titre et sa mise en scène évoque plus celle du fameux "Leng Tch'e" de Naked City que à quoi que ce soit d'autre qui aurait été extrait de l'école Kobaïenne. Si l'influence de Magma est encore perceptible - et elle l'est, ô combien - c'est du côté du Magma de Jannick Top qu'il faut chercher, le Magma noir qui nous a livré "Üdü Wüdü" et son terrifiant "De Futura", ou le Weidorje de Bernard Paganotti, avec "Elohims Voyage". En pratiquement dix ans de carrière et en cinq petits disques, Bondage Fruit s'est bâti une des rares oeuvres contemporaines à perpetuer l'esprit et la flamme du mouvement zeuhl, bon gré, mal gré, à l'écart de toutes critiques.