Première Ligne › Première Ligne

Je trainais mes guêtres virtuelles chez BBoyKonsian, petite maison de disque axée peura politique (qu'abrite pas des mastodontes mais y a Kyma, quand même...) et je tombe sur ce groupe parigo fraîchement formé : Première Ligne... rapide visite du Bandcamp, osmose, téléchargement, écoute acharnée... et nous y voilà. Je préviens, rien de nouveau sur le béton!... Première Ligne, c'est du peura français cru 2013 tout aussi pénible qu'agréable... Pénible parce qu'il tombe dans tous les poncifs à répétition du genre, "parmi les clones, les automates"... et c'est pas rien de le dire! D'abord les instrus, qui me fâchent carrément, dans la plus pure tradition franco-française, avec violons geignards, petits staccati grinçants au piano, refrains scratchés samplant de l'amerloque, ambiance lourde, beats pesants, mille fois entendus, on a le droit à la totale! merde! Et ensuite ces flows, ces rimes, directement transbahutés de chez Anfalsh-La Rumeur dans la présente galette, ça se planque pas longtemps, même si on différencie bien les deux MC... (E.One a une élocution molle, râlante et un style d'écriture complètement pompés sur Casey ; Skalpel a le flow d'un Booba conscient avec un accent latino). En gros, to sum up, on dirait bien qu'ils tombent dans ce travers souvent reproché au rap français de miser sur la qualité littéraire du texte, plutôt que sur la puissance de la zique... Mais je disais agréable, aussi! Parce que, hors de toute considération blasée de critique musical, quand même, on a là du rap à cervelle qui fait bien plaisir! Du rap qui cogite, qui est prolixe dans sa gambergerie... parce que j'ai beau être mauvaise langue et faire l'exigeant, les instrus, à défaut de révolutionner le peura, elles restent kiffantes, crasseuses, bouncy... d'autant plus que certains textes font mouche : "Le Vif du Sujet" urgente incision en guise d'entrée en matière... "Mémoire des luttes 4" historique engagé sur boom-bap grandiloquent... "La Dèche" toute poignante avec son vieux sample de chanson française pitché... "Seul(s)" introspection sur craquements de vynile, façon Casey anesthésiée... en parlant de ça, l'étonnant réquisitoire féministe "Prisons de poupées" est criant de similitude avec la rhétorique casey-ienne de "Créature ratée"! et si je voulais pousser le bouchon, je pourrais dire que "Ligne de front" et son énumération "leurs, leurs ; nos, nos" rappelle furieusement "L'exclu" de cette-même Cathy ; procédé qu'elle réitère à moitié sur "Mon plus bel hommage"! (Alors certes, Zeyka n'a pas le monopole de l'énumération allitérée, mais à force d'indices on commence à la bigler dans le miroir... et puis... ce sample de "Fin alternative" ça vous rappelle pas "Comme un couteau dans la plaie" ?... bon, j'arrête). Sur ce skeud éponyme, y a aussi des morceaux plus moyens, nonobstant leur plume chiadée! et THE titre qui un jour m'emmerde à mort, un jour me fait swinguer : "Flic de paname", j'vous laisse imaginer l'invective à la deuxième personne... j'avais jamais entendu des mecs pousser le concept si loin, sur tout un morceau... "t'es qu'un flic de Paname, un pauvre type, et tu l'as choisi sale larbin, tu vas t'en taper des pavés, des parpaings...", etc. ça doit pas beaucoup tourner dans les commissariats... Ce premier skeud est chaud à noter, j'ai pas envie d'être radin sur les boules au vu de l'aisance et de l'engagement sans concession, je sens ces mecs capables de pondre des tueries... mais objectivement, on peut pas fermer les yeux sur l'inspiration encore prégnante des darons, et les instrus qui perpétuent le cliché... Ca sera donc un 4 mi-figue mi-raisin !