Bubbi Morthens a toujours trop bien chanté pour être punk, c'est pourtant au sein de cette scène qu'il a affuté ses premières armes mais il était évident, malgré sa conscience sociale, qu'il n'allait pas y faire de vieux os, c'est dire si le train du post punk a trouvé en lui un voyageur motivé. Pas pour longtemps, l'homme est bien trop 'touche-à-tout' pour rester dans une niche, c'est pourquoi tout y passera sous sa plume: rock, pop, folk, polka, reggae, samba, chanson...Ce qui ne l'empêchera pas de créer quelques projets éphémères comme Das Kapital pour renouer avec ses anciens flirts. Le cas de Egó est un peu spécial. Les Utangarðsmenn, formation pionnière du punk rock en Islande, splitteront relativement vite alors que l'effervescence new wave est au summum de son bouillonnement sur l'île. Bien sûr, les membres ne restent pas inactifs, Bodies d'un côté, Egó de l'autre. Les premiers vont fricoter avec la cold wave de manière assez ouverte tandis que Bubbi et ses potes s'y mettront frileusement (plutôt sur le second opus en définitive). Les premières scènes dévoilaient une formation encore bien marquée par le punk mais le temps d'arriver en studio, cette énergie semble s'être diluée. J'en parlais dans ma chronique de 'Í mynd', beaucoup le trouvent meilleur que son prédécesseur. Je suis d'accord. 'Breyttir tímar' est légèrement trop pop. Son titre est étrange, 'changement de temps'...Punk et new wave viennent justement d'apporter une vision neuve de la création, l'espoir d'un futur pour la musique et voilà notre Bubbi, l'un des premiers acteurs du mouvement, qui se pointe en costard de maffieux des années 20 avec un disque constituant un pas en arrière plus qu'en avant. Influence Bowie ?, me suis-je interrogé. Peut-être. La base n'est pourtant pas déplaisante, un peu de fraîcheur new wave dans les guitares, un zeste de post punk dans la rythmique, une énergie notable mais le chant de Bubbi reste trop classique dans sa mélodie. C'est parfois un atout comme sur l'excellent 'Tungan' (qui m'évoque volontiers Taxi Girl) ou un 'Breyttir tímar' rampant et plus sombre (magnifique basse lente, inquiétante) où les capacités vocales de notre Islandais apportent une patte spéciale, moins sur d'autres compositions telles que 'Vægan fékk hann dóm', pas mauvais mais assez lambda dans l'orchestration. La grande déception demeure la version de 'Sieg heil' débarrassée de toute sa fougue punky et sonnant davantage comme un lointain clone de 'Let's dance'. Autant prévenir, la new wave islandaise a toujours eu une ambiance spéciale différente de celle que l'on connaît de par nos latitudes et plusieurs écoute révèlent l'intérêt de ce disque mais je puis cacher que j'en attendais beaucoup plus.