Leutha › Accusa di un delito infinito

Ecouter Leutha, c'est comme s'asseoir sur un petit tas de gravas et contempler une ville aux ruines encore fumantes après un bombardement, c'est sentir le vent se glisser entre les carcasses de béton offrant au ciel encore noir de fumée leurs entrailles de fer, écouter crisser sous son pied un mélange de gravier, d'os, de verre brisé...C'est s'enivrer de l'odeur de la poudre qui plane, laisser son regard errer au delà des boulevards défigurés en essayant d'imaginer qu'en marchant sans s'arrêter, on atteindra peut-être la mer, rêver que les quelques notes de piano résonnant encore dans l'air, les raclements des tuyaux en lambeaux poussés vers la tôle, pourront remplacer les rires des enfants...C'est heurter des tubes métalliques pour se prouver que le temps ne s'est pas arrêté, que le silence qui pèse sur la cité morte n'est pas peuplé que de fantômes, c'est parler en se bouchant les oreilles de crainte que l'écho ne nous renvoie l'amplitude de notre solitude...C'est comprendre que la destruction ne répond à aucune harmonie, que rien ne repousse d'un sol désormais sans racines, c'est ne plus vouloir parler de peur de devoir donner des noms aux choses alors qu'il ne reste plus rien, que des cadavres de bâtiments, les traces d'un orgueil laissé pour mort, ne plus penser aux couleurs et s'imaginer des prairies de détritus comme autant de prairies en noir et blanc...C'est trouver le temps horriblement long et s'en réjouir car il n'y a rien d'autre à faire de toute manière...Tout cela sans verser une larme car elles ont séché dans vos yeux brûlés par l'apocalypse sans comprendre pourquoi la mauvaise fortune a fait de vous l'unique survivant.