Jex Thoth › Witness

Oh là, malheureux, tout ce que je pourrai dire sur ce disque ne sera que vains palabres comparé à la définitive chronique du sieur Gulo que je vous laisse chercher... Noter un pareil disque ne rime à rien, et il l’a d’ailleurs bien compris. A ceux qui tiennent à me lire, je me bornerai à dire que Jex Thoth est en passe de devenir l’un des meilleurs groupes du monde, tout simplement, capable de conjurer une ambiance et des frissons dès la première écoute avec un naturel et une ferveur qu’on croyait réservée aux années 60/70. Vous savez, ce genre de disques immédiats, à la fois indubitablement travaillés et nuancés, mais dont tout, de la mélodie au son, appelle à l’évidence même, et s’empare de nous comme un psychotrope s’empare du cerveau du junkie, irrévocablement, tel un linceul. La chanteuse nommée Jex Thoth a visiblement franchi un palier de plus dans son initiation de sorcière (rien à voir avec Harry Potter), hululant à la lune comme une grande pretresse mordue par un vampire, avec ce timbre toujours entre Siouxsie et Grace Slick, mais à la beauté ici décuplée. Et cet orgue d’église gothico-grotesque, uuugh... Raven nor the spirit et Slow Rewind forment les deux parties d’un dyptique létal, possédé jusqu’au plus profond de l’âme, et invoquant un sens du sublime nocturne, convulsif et Gothique avec un grand G, de ce gothique qui existe depuis le moyen-âge, à travers les romans les plus despespérés du XVIIIème siècle, et qui survivra jusqu’à l’extinction de la race humaine. Comprenez moi bien, Jex Thoth n’essaie pas, ils SONT. Mais alors, quand ils s’attaquent, après un court silence, à la figure de Rimbaud, à travers une reprise tirée du culte "Casablanca Moon" de Slapp Happy, là c’en est trop. La longue et morbide intro qui l’introduit ne laisse aucun doute : Jex Thoth se livre à une cérémonie, pleinement conscient que reprendre une chanson de Dagmar Krause est en soit une invocation occulte, demandant solennité et gravité. Jex Thoth, par cet hommage érudit et inattendu, prend ainsi sa place aux côtés de chanteuses comme Jun Togawa ou Kate Bush, intemporelles messagères d’un éternel retour résolument brumeux et gnostique, tout en étant animal. En 3 titres, Jex Thoth m’a apporté ce que je n’ose attendre de 99% des galettes qui visitent ma platine. Obligatoire et indispensable.