Lille Roger › Golden Shower

Dans les années 80, le petit Karmanik était beau, svelte et plus rebelle que jamais. Ses provocations, il les canalisait dans son projet solo Lille Roger, qui, en quatre ans (de 1984 à 1988), a sorti quelques cassettes, un single, et diverses participations à d'obscures compilations. Inutile de préciser que ces références sont aujourd'hui passablement introuvables, à moins d'y mettre le prix. Cette compilation a donc le mérite de réunir les meilleurs morceaux de l'époque sur un support plus accessible. Alors, Lille Roger, c'est quoi ? Tout logiquement du proto-BDN, mais dans sa version adolescente. La musique est encore très marquée de ses influences d'alors : Maurizio Bianchi tout d'abord («My Girl» en rappelle l'ère 1982), Throbbing Gristle ensuite («The story of K», sorte de «Hamburger Lady» en culottes courtes), SPK enfin («478:5 Pt 2» avec ses relents d'Information Overload Unit). Mais ce qui est intéressant c'est que, loin d'être figée dans ses références, la musique contient déjà les germes caractéristiques du futur BDN, à commencer par les thèmes qui transpirent le meurtre, la nécrophilie, la pédophilie, et autres joyeusetés à base de torture. Un véritable catalogue à la Mondo Cane, version sadique. On y trouve également cette jubilatoire patte d'humour noir qui vient tourner le sordide en dérision, quelque part entre la blague potache («Touch Me», reprise rampante de Samantha Fox) et un certain décalage decomplexé qu'on retrouvera plus tard développé dans l'album «Obsessis». D'un point de vue sonore, les trames bruitistes («Free At Last», «Zum Morgen») ne sont pas en reste, et les basses grondantes et écrasantes n'ont vraiment rien à envier à Great Death. En bonus, le facétieux Roger s'est amusé à parsemer la compilation de quelques courts interludes, principalement des voix de fillettes ou de femmes, afin de rendre l'atmosphère encore plus étrange et glaçante. Il y a finalement à boire et à manger dans cette compilation, il est vrai assez variée, mais dont tout n'est malheureusement pas bon. On retiendra surtout le hit intemporel «Hamburg 35», sur lequel s'époumonne un Roger très taquin («Adolf ! Adolf ! Adolf !»), avec en arrière plan un certain Joseph G. au micro... tss, je vous l'avais dit que c'était un sacré rebelle !