Forlorn. Une formation discrète aujourd'hui disparue et réduite à l'époque de ce Crystal Palace à un talentueux duo. Ce premier album, un an après leur EP, est plutôt atypique dans le paysage black norvégien. En effet, Forlorn donne dans l'emphase, l'espace et la féérie. Tempi lents et très majoritairement ternaires pour la base médiévale, claviers et guitare sèche pour étayer les riffs, les deux compagnons ont réussi à transmettre à leur style une légèreté inhabituelle et bienvenue.
Le riffing rappelle furieusement celui de Primordial (en particulier l'album Spirit the Earth Aflame, même si il est sorti trois ans plus tard), c'est à dire peu d'accords mais très élaborés, des transitions souples, peu de chant black, et des leads mélodiques simples et bien sentis. Parallèlement, les nappes de synthé et les choeurs évoquent le Thuringia des allemands de Menhir. Les couleurs du palace de cristal sont par conséquent à l'image de sa pochette magnifique: contemplatives, païennes et noyées dans la nature. Les modulations s'enchaînent habilement entre les riffs brillamment folkloriques, la guitare sèche soutient toujours l'ensemble, et les chants vikings duophoniques prennent périodiquement le lead. Les claviers, en mélodie d'appoint, sont parfaitement à leur place. Mais ils sont aussi l'un des deux points faibles du disque. Le string ensemble MIDI est raffiné en support, mais trahit l'esthétique en lead ("Gate Of Mystic"). Le deuxième problème est la production. Les guitares sont trop compressées, la boîte à rythmes en retrait, et on entend quelques cafouillages de volume sur les claviers. Cependant, The Crystal Palace reste en marge de la scène de l'époque. Fin, élégant, spacieux et d'une mélancolie soutenue, il est sans conteste le meilleur album de Forlorn, et un poids-lourd du genre malgré ses bénins soucis de son.