J'avais rendez-vous avec une fille en centre-ville cet après-midi. Elle est vraiment belle, elle ressemble à Diane Kruger. J'ai poireauté pendant une heure et demie avant de l'apercevoir. On a bu un verre, on est allé manger un morceau, puis on est allé chez moi pour regarder un film. Vous savez très bien ce qui arrive quand on invite une fille à regarder un film chez soi, en tête à tête. J'aurais pu lui proposer l'une de mes nombreuses diarrhées nippones, Tetsuo ou Rubber's lover tiens. Mais non, j'ai sorti ma plus belle collection de romance coréenne (geek is the law) et le résultat ne s'est pas fait attendre. Toutefois, l'équation devait être tronquée, car ça ne s'est pas terminé comme il aurait dû. Parce que cette fille superbe, c'est tout à fait le genre qui m'insupporte, celui à vous faire miroiter la corbeille à fruit mais qui vous fais comprendre qu'on ne touche qu'avec les yeux. Elle trempe la cerise dans du gin mais elle vous laisse ce putain de noyau qui vous restera en travers de la gorge pendant plusieurs jours. On devrait détruire la séduction, on devrait détruire la jouissance d'être désirée. La femme n'existe pas disait l'autre. Non, elle n'existe pas, en dehors de cette mascarade qui aurait tendance à me rendre malade. Voilà pourquoi je les déteste, les femmes: elles vous font croire qu'elles existent; et nous, en bon connard, on y croit. Jusqu'à ce qu'on tombe de haut. Et comme on est encore plus con que ça, on se fera avoir de la même manière par la prochaine, comme si on pouvait apprendre de nos erreurs. Et ainsi de suite. Parce que ce disque de Pere Ubu n'est pas romantique. Il n'est pas triste non plus. Il sent un peu le fumé: un disque de vieux qui en a vu passer, des femmes. Le genre un peu blasé tu vois, des cicatrices plein le torse à te raconter ses histoires, épiques, souvent douloureuses, mais avec un sourire qui ne regrette rien. Du coup, ça sent un peu le blues. Mais un blues dissout dans les volutes acides des cachetons qu'on retrouve au fond de sa poche, parce que Pere Ubu il vient des 70's et il en porte les traces: un gros synthés psychédélique presque aussi bavard que ce vieux Thomas, certains riffs de guitares qui fleurent bon le vieux rock à barbe et à bandeau dans les cheveux, et une insouciance qui semble dire « je suis vieux mais je bande encore ». Et Pere Ubu bande tellement dur qu'il va renvoyer tout les pleurnichards dans mon genre, la queue entre les jambes, cracher à la gueule de cette salope. Parce qu'on ne vit qu'une fois et que je suis déjà vieux.