On l’oublie souvent ; Recommended n’est pas un label comme les autres, surtout quand il s’agit d’enfoncer le clou ! Investi de cette mission, si pas divine en tout cas parfois impossible, de maintenir intacte la mémoire vive du courant Rock In Opposition dans toute sa diversité, c’est à intervalles réguliers que Chris Cutler nous ressort de derrière les fagots des disques oubliés. Tel ce Camberwell Now qui a le mérite de regrouper (quasi) tous les travaux de ce groupe des maudites années quatre-vingt sur un seul et même disque. Réédition d’une anthologie parue il y a quinze ans déjà sous un habillage différent, le label espère sans doute pouvoir ainsi surfer sur la vague This Heat, plus à la mode que jamais, grâce notamment à la publication du box 6 cds "Out of Cold Storage". Pourquoi ? Parce que tout simplement le batteur Charles Hayward en est l’axe principal. D’ailleurs, les quatre premiers titres de cette compilation, issus de leur premier EP, perpétuent la filiation This Heat avec la présence de Charles Bullen. Pourtant, rien d’excentrique en l’état ; on est en vérité plus proche de l’univers limite claustrophobique de Robert Wyatt, la beauté du chant en moins, bien évidemment ("Cutty Sark"), et ce même quand la batterie vient pointer le bout de son nez ("Spirit of Dunkirk"). L’inédit "Daddy Needs a Throne", puis l’album 6 titres "The Ghost Trade" à sa suite révèlent Camberwell Now dans ce qu’il a accompli de meilleur. L’ombre de This Heat y plane toujours (en même temps, vous me direz, difficile de faire autrement) mais c’est surtout grâce à son incroyable audace et son goût du risque pratiqué sur des sentiers peu balisés, le groupe étant en effet nettement moins porté sur la distorsion à tout va. Étonnement, et sans doute sans le vouloir, Camberwell Now a signé une oeuvre où le point de rencontre entre une certaine idée du style Canterbury (le chant, les mélodies, les rythmiques) – après tout Quiet Sun, c’était Charles Hayward aussi - et une approche résolument RIO est enfin clairement tangible. En quelque sorte ce que serait peut-être devenu Matching Mole s’il avait su prendre de la bouteille et rester ouvert sur les influences qui l’entourent. À (re)découvrir donc.