Markus Reuter › Trepanation

Ça fait un bail que j’ai cet album. Ben Cox de Lotuspike m’en avait parlé en bien, me prévenant que ça prendrait quelques écoutes, avait de m’habituer à l’enveloppe atmosphérique de Markus Reuter. J’ai tenté une première écoute et j’ai gelé à 3–4 Days Before The Echo. Par la suite, j’ai entendu Ramp et Ceasing To Exist et c’est là que j’ai découvert les subtilités du monde musical de Markus Reuter. Un guitariste audacieux qui manipule la fameuse guitare Warr. Une guitare à cordes frappées avec une sonorité amplifiée.
Trepanation est une opération qui consiste à enlever un morceau d’os frontal, pour enlever un peu de pression sur le cerveau. Une pratique abandonnée, qui devait instaurer un climat de tension et de paranoïa sur le sujet, et c’est absolument ce que Markus Reuter transpose avec émotion et habilité sur ce dernier opus. Un voyage à l’intérieur d’un esprit tourmenté, au plus profond de son incompréhension. Et ça débute avec The Key To Conscience. Un long mouvement atonique, où de belles boucles modulaires basses croisent la réverbération des notes de guitares, qui résonne dans un espace vide. Cette résonance attire des notes plus harmonieuses, carillonnées qui voltigent aux travers les explosions de cordes éparses. Preparation respire la réalité avec ses délicates et basses pulsations hypnotiques, qui reposent sur un beau sentier synthétique, avec une voix morne qui tente d’infiltrer l’état d’hypnose. Une fois les explosions sonores assimilées, 3–4 Days Before The Echo trouve sa raison d’être. Un long morceau atmosphérique, très ambiant et très spatial avec des voix internes qui augmentent le stress de la schizophrénie. Les striures synthétiques défilent dans un firmament statique où tout semble coaguler dans les filtres sonores. Le synthé module soyeusement, avec fluidité sans vraiment prendre de forme rythmique. De la pure musique de suspension qui se développe par nappes synthétiques, avec des effets sonores cosmiques, dont les explosions éparses ont le goût métallique / industriel de Blade Runner. No Part Of Me Could Summon A Voice progresse sur des modulations stridentes, qui laissent filtrer des voix d’enfants parmi des cliquetis mécaniques.
A Prospect That Is Simple amène une touche plus chaleureuse, et humaine, à l’univers atonique et torturé de Trepanation. Les nappes synthétiques flottent, dans une ambiance sereine où les modulations croisent de brefs segments harmonieux. Beat reprend les notes carillonnées du début, sur de lourdes pulsations bourdonnantes de sa guitare Warr. Hypnotique et envoûtant, le titre résonne avec une opacité carillonnée qui a besoin de la tendresse de Oneness To Deceive; un long mouvement secoué par des pétarades qui semblent trouver silence dans un vide échotique. Number of the Mind clôture cet opus sur un long movement inerte. Une berceuse pour les esprits torturés par l’incompréhension, par l’ignorance de la technologie face aux déviances et aux absences humaines.
Malgré la beauté et la noblesse de sa création, Trepanation reste un opus difficile à apprivoiser. Mais l’insistance vaut la peine, surtout si les expériences sonores inhabituelles vous attirent. Un voyage sombre et tortueux dans l’esprit de la perdition mentale. Tel est la toile de fond d’une oeuvre élaborée avec minutie et justesse, par Markus Reuter; un brillant guitariste Allemand qui nous offre une croisade sonore enrichissante, idéale pour tester la calibration de vos enceintes acoustiques.
DISPONIBLE AU : http://www.lotuspike.com/index.php