On n'a pas vraiment expérimenté ce qu'est le vrai bad trip sous acide tant qu'on n'a pas écouté les Taj Mahal Travellers. Groupuscule obscur qui émerge des faubourgs de Tokyo alors que les années soixante s'achèvent, la large formation mise en place par Takehisa Kosugi développe son discours au mépris des cadres dans lesquels on s'attend à les voir être enfermés. Radicalement avant-gardiste comme l'étaient alors certains de leurs contemporains tels que les britanniques de AMM ou encore l'américain LaMonte Young, les Taj Mahal Travellers ne cherchent pas, eux non plus, à dissimuler la fascination qu'exerce sur eux la musique orientale, et tout particulièrement celle du bassin indien. Percussions, cuivres, cordes et synthétiseurs font cause commune pour générer un tapis sonore dans lequel on s'enfonce comme dans des sables mouvants. Pas de voyage en dedans sans effets ; c'est donc sans surprise que la pédale delay restera enfoncée - voire défoncée - de la première à la dernière minute de cet album enregistré dans les conditions du direct. Des échos, des murmures, des incantations, dans un mouvement perpetuel au rythme véritable mais qui ne cherche pas à être mis en avant (ne cherchez pas le repère métronomique qu'est la batterie ; il n'y en a pas). Dans ces corridors de l'oubli, il est facile de se perdre, poussé dans le dos par des bourrasques au parfum enivrant. Tout est dans le laisser faire ; comme quand l'extrême fatigue nous gagne, on en vient presque à trouver plaisant l'état d'engourdissement dans lequel on se trouve. En Europe, ce sont les allemands qui ont le plus partagé et vulgarisé cette approche, à travers le kraüt rock dans ce qu'il avait de plus psychédélique. Abstrait comme pouvait l'être Can, planant comme pouvait l'être Tangerine Dream. En somme, de la musique électronique organique.