Klaus Schulze › Picture Music

Ouf! Ça faisait un bail que je n’avais pas écouté Picture Music. J’en avais oublié son impact sur l’orientation musicale de Schulze. Car après les atoniques, abstraits et ténébreux Irrlicht et Cyborg, Picture Music est le début de la révolution musicale et électronique Schulze. Sans tourner le dos à ses explorations sonores, Schulze concocte en Picture Music le premier de ses albums qui allient expérimentation et harmonies. Un superbe album qui est remasterisé, avec quelques défaillances sonores, par Revisited Records qui ajoute un titre en prime; C’est pas la Même Chose qui est la toute première mouture de Totem, avec 10 minutes additionnelles. Oui…un incontournable pour les fans de Schulze.
Un lointain souffle aride, émanant d’un cosmos embrumé d’un voile ocré, ouvre délicatement Totem. De fines percussions tambourinent un tempo qui tranquillement prend forme sur un souffle de synthé ondoyant. Un souffle qui croise des nappes de synthé divisées par une structure musicale hybride, où le tempo incertain se dandine dans une brume de cristal. Le rythme se balance telle une délicate ombre indienne spectrale sur des belles percées d’un synthétiseur aux souffles métissés. Hypnotique, le mouvement se développe sur de discrètes nappes de synthé qui s’entrecroisent et d’où émergent de fines notes limpides qui se bercent sur un chaleureux mellotron. Le tempo modifie graduellement sa mesure pour accélérer la cadence. Totem dérape en douceur, derrière de splendides strates mellotronnées, des stries qui pétillent tels des chocs électriques et des tambours un peu plus frénétiques alors que le synthé lance des doux solos torsadés qui s’entortillent autour d’une structure aussi harmonieuse qu’éclectique.
Mental Door est plus exploratoire avec une approche plus progressive qu’électronique. Un long intro à fragrance d’orgue dessine une lente procession sur un fond sonore éclectique. Une ligne synthétique grasse s’anime autour d’effets sonores Schulzien et Mental Door se déchaîne sur de bonnes percussions et prend des allures d’un gros rock progressif bigarré. Un peu entre ELP et Hawkwind. Un long titre, à la croisée du Krautrock et de la Berlin School, où Schulze varie les mouvements avec d’excellentes percussions (c’est à se demander pourquoi il utilise Grosskopf, tant son jeu est très bon), une bonne base rythmique et un synthé qui fourmille d’effets sonores analogues si uniques au monde de Schulze. Mental Door démontre, hors de tout doute, que Klaus Schulze possède le sens du rythme.
Cette réédition de SPV n’est pas parfaite. Il y a des lacunes au niveau mastering mais ça fait du bien d’entendre Totem sans les bruits de fritures de ma version microsillon. D’ailleurs, c’est Totem qui fait la richesse de cette réédition avec sa version première en C'est Pas La Même Chose. Un Totem plus complet, mais moins chaleureux avec une sonorité mono qui respecte l’anthologie d’une honnête réédition. De plus, les livrets de SPV sont tous riches en informations et commentaires qu’ils en sont des incontournables pour tous fans de Schulze.