Klaus Schulze › Moonlake

Depuis quelques années l’ami Klaus ressuscite ses vieilles œuvres inachevées, dans de gros coffrets (l’impressionnant Ultimate Edition, et autres) et dépoussière ses œuvres achevées, tout en les saupoudrant d’un nouveau mixage et de pièces bonus, pour le plus grand plaisir de ses nombreux fans. Au travers cela, il a même trouvé le temps de concocter un nouveau cd. Un cd que l’on n’attendait plus, à cause des rumeurs inquiétantes sur son état de santé. Comment allait être ce nouvel opus? Est-ce que le prince de la MÉ continuerait à flirter avec un son techno? Reviendrait-il à ses amours d’antan? Après tout, TD n’a-t-il pas quitté les grosses odes synthétiques pour embrasser une sonorité FM ? Rassurez-vous. Schulze revient en force. À la mesure de ses vieilles œuvres, Moonlake est un agréable festin sonore qui croise le catalogue et les styles de Klaus Schulze.
Playmate In Paradise est la pièce charnière sur Moonlake. Trente minutes de purs délices aux mouvements polyrythmiques qui débute avec un synthé au son flûté. Un genre de saxophone atmosphérique qui danse sur une ligne hésitante. Le tempo prend plus de consistance et une 2ème sonorité aux airs de flûte introduit un beat plus corsé. Assis sur une basse juteuse et des percussions entraînantes, le rythme est soutenu parmi une multitude d’effets synthétiques. Le grand Schulze sort une pléiade de sonorités de son synthé, flûtes, clarinette, chœurs, tablas et autres, dont un vaporeux cello qui sonne comme une lamentation humaine. Tous s’enchaînent sur des rythmes en mutation, alliant funky, groove, ambiant et spirales hypnotiques sur des intonations arabesques. En mi parcours, le titre devient plus atmosphérique et nous enveloppe d’un son en boucle qui nous hypnotise sur les pulsations des percussions. Tournoyant, le rythme s’accentue et Klaus Schulze y va de ses somptueux solos de mini moog. Un peu plus et on se croirait à l’époque de Moondawn. Superbe. Un splendide jeu de tablas sur un synthé tourbillonnant lance Artemis In Jubileo. Le titre roule sur des lignes de basses et un léger beat techno. Les amateurs d’Orbital sont en terrain connu. Un bon titre au rythme soutenu et aux arrangements orchestraux sublimes; des violons à la Miditerranean Pads. La plus courte sur Moonlake, Same Thoughts Lion fut enregistré lors d’un concert en Pologne en Novembre 2003. Mysterieux, le rythme est tiède et courtise la nostalgie. Un titre rêveur qui progresse comme un immense boléro sous d’épais manteaux synthétiques. Les soyeuses percussions, les vagues synthétiques qui se rajoutent ne le dévient pas de son atmosphère hypnotique. Un titre lent et superbement attirant. Enregistré lors de ce même concert, Mephisto a plus de beat et ressemble aux dernières œuvres de Schulze que l’on retrouve sur Contemporary Works. Après une douce intro synthétique, le titre embrasse une approche techno sur des lignes séquentielles de piano et des chœurs. Les petites morsures de piano qui vont et viennent sont simplement divines. La pièce progresse sur un beat qui casse par endroits et qui termine sa course sur de longs solos de synthé, enrobés des effets atmosphériques qui ont fait la marque de commerce de Klaus Schulze. Et comme ça, sans prévenir, les 74 minutes se sont écoulées.
Klaus résiste à l’usure du temps. Moonlake est un pur délice, dans la lignée des grands Schulze; de Blackdance à Miditerranean Pads, en passant par les meilleurs moments des Contemporary Works. Il n’y a aucune faille et ce sont 74 minutes bien placées où l’on se gâte, et les oreilles et son soi-même. Une leçon à bien des dinosaures de la MÉ qui ont choisis l’aseptisante musique électronique commerciale. Comme quoi que l’originalité peut aussi bien vieillir tout en conservant son instinct originel. Merci Klaus. Merci pour le repiquage de tes œuvres, le dépoussiérage de tes bandes et pour ta durabilité.