Sorhin › Apokalypsens Angels

Deuxième album du groupe (après deux démos et deux minis), cette galette est sans conteste sa meilleure réalisation. La musique du groupe est très typée, unique et d’une qualité parfois réellement hallucinante : elle a sa putain de personnalité, énorme et à nulle autre pareille. En tout cas, c’est du Suédois AOC garanti pur sucre, mais alors, bordel de vingt Dieu, ça s’entend aussi bien qu’une rafale de 12,7 au milieu d’une chorale d’enfants. Il s’agit d’une espèce de black hybride, beaucoup plus ouvert, riche et varié que ne peut l’être le true/raw/mes couilles à trois riffs et cinq notes par albums qui marche pas mal par ailleurs ;ce qui caractérise le black de Sorhin, ce black bâtard et original, d’une épaisseur et d’une consistance servis à merveille par la production, c’est qu’il est gorgé de metal attitude, en fait, avec la fougue violente, la fraîcheur et l’immense énergie que cela sous-entend. C’est un black alerte, vif et enlevé, très rythmé, survitaminé au heavy et au thrash, dévastateur et ultra virulent. Ces merveilleuses influences métalleuses (voire limite rock, ce qui est logique), classiques et admirablement intégrées, consistent en des changements de rythmes abrupts et efficaces, bien situés et bien enchaînés, qui témoignent en outre d’une grande intelligence dynamique ; ces putains d’influences des familles se retrouvent également dans la mélodie même des riffs, bien évidemment, avec cette vivacité typiquement heavy, cette fougue impressionnante de maestria qui fait tournoyer des leads lumineux au-dessus de ces énormes rythmiques à la double avec une aisance et une dextérité impressionnantes (la gratte, j’y connais pas grand-chose, mais foutre Dieu, cette virtuosité, cette précision, cette vitesse, ça se reconnaît quand même). C’est bien le jeu des guitares qui confère l’essentiel de sa classe (bon Dieu, quelle classe !), de sa puissance et de sa finesse à cet album : les mélodies sont par moments d’une beauté, d’une élégance et d’une majesté à faire bander un Steve Harris ou un James Hetfield au meilleur de leur forme. La batterie est elle aussi excellente, d’une simplicité et d’une efficacité diabolique, à la fois massive et vive, formidable au plan rythmique dans le choix et la composition de ses patterns, et au plan dynamique dans ses breaks et ses accélérations ; là encore, on sent le gros travail d’assimilation de nombreuses influences qui a dû avoir lieu chez le bûcheron de service. La voix, quant à elle, est encore une fois typiquement suédoise de chez suédoise – mais alors à un point qu’on se demande comment font les métalleux de là-bas pour produire des trucs aussi reconnaissables dans un style musical aussi encombré que le metal extrême, franchement ça relève de l’anthropo-sociologie mais là je pense que je m’égare un peu – c'est-à-dire qu’elle est grasse, la voix, teigneuse, grasse, agressive et GRASSE, et lourde, et glaireuse, très efficace aussi en terme de rythme et de débit, et grasse, et gorgée de bile et de fureur, et, euh... GRASSE. A signaler aussi, les superbes intro et extro, la première dans un registre glauque et martial – genre marche de fantômes en uniforme noir à totenkopf sur la gapette sortant d’une forêt enneigée pour aller génocider quelques peuples dans la soirée pour se détendre –, et la deuxième dans un registre beaucoup plus retenu, avec sa gratte qui sonne foutrement dark folk, tout aussi glauque mais ce coup-ci triste et non plus flippant, aérien, profond et très élégant. Il y a malheureusement quelques baisses d’intensité, quelques morceaux moins brillants (difficile de maintenir pendant une plombe le niveau dantesque d’un « Livets Lofte »), mais néanmoins se retrouve tout au long du disque des riffs géniaux, qui font qu’on ne s’embête jamais et que si la tension fléchit quelque peu par moments, elle ne se relâche jamais réellement. Un excellent album de black au sens large, incarnation de ce qu’on peut faire de mieux dans le genre avec une gratte, une batt’, une basse et un micro voix. Santé !