Praxis › Transmutation (mutatis mutandis)

Pour que les choses soient plus claires, Bill Laswell a cru bon de compartimenter ses diverses activités par degré de sensibilité dans des groupes aux appelations différentes afin de mieux les distinguer. Enfant du chaos qu'il cultive et entretient, Laswell ne s'est peut-être pas rendu compte tout de suite que cette décision animée pourtant de bonnes intentions ne fera en fait que s'ajouter à la confusion déjà générale. Dans les grandes lignes, on dira pourtant de Praxis qu'il s'agit d'un projet monté exclusivement autour de la personnalité de Buckethead, ce guitariste virtuose que Axl Rose ne mérite pas. Bill Laswell co-écrit la plupart des titres, produit, rajoute quelques effets à gauche et à droite mais laisse le soin à Bootsy Collins d'endosser son rôle de bassiste. Se joignent à eux le claviériste Bernie Worrell, autre membre légendaire de la galaxie P-Funk, ainsi que Brian Mantia, alors futur Primus (les plus perspicaces noteront que si l'on remplace Bootsy par Les Claypool, on obtient le line-up de l'album "The Big Eyeball in the Sky" du Colonel Claypool's Bucket Of Bernie Brains, publié... douze ans plus tard !). Le mystérieux Af Next Man Flip (en fait, Baby Bam des Jungle Brothers) complète le quintette avec sa science des platines. La somme de ces éléments fait de "Transmutation" un album déroutant et malgré tout parfaitement écoutable. En 1992, il n'y a bien que Naked City et Mr.Bungle pour s'essayer à la collision de genres parfois contre-nature. Les titres eux-mêmes, au double intitulé, laissent la plupart du temps entrevoir à quel point ces rencontres inopinées sont parfaitement délimitées et appelent rarement à des débordements inopportuns. Même si le parti pris de Praxis n'est pas aussi radical, cela ne les empêche pas de se montrer aussi furieux et curieux que les groupes précités, avec toutefois un sens du fun bien plus perceptible. Ainsi, c'est sans efforts qu'ils préservent toute la musicalité de leurs compositions qui font se percuter métal hardcore, hip hop, funk, dub, jazz et même une touche gospel avec le délirante litanie à l'orgue Hammond sur "After Shock". Ce qui manquait aux jams endiablées de "The Big Eyeball in the Sky", c'est une bonne paire de couilles. Dans le domaine, "Transmutation (Mutatis Mutandis)" a de quoi faire.