Giles, Giles & Fripp › The cheerful insanity of Giles, Giles & Fripp

Suivez-moi ; je vous propose de faire la connaissance d'un trio peu commun qui allait bientôt servir de rampe de lancement à un groupe rock dont l'influence demeure toujours aussi considérable, près de quarante ans après sa création... Le nom de ce trio devrait donner aux plus perspicaces d'entre vous une claire indication sur la suite des évènements. Pour l'instant, le prologue Giles, Giles & Fripp cultive un sens de la dérision typiquement anglo-saxon, de ce rire pincé caractéristique et charmant, comme si les Monty Python étaient venus insuffler un peu de leur esprit nonsense aux plus récentes réalisations des Fab Four. Le disque lui-même se divise en deux mini-suites dont les interludes sont récitées par le guitariste, à l'image d'un livre dont on vous ferait la lecture. Et parlons-en de cette guitare, puisqu'il ne fait aucun doute que ceux qui viendront prêter une oreille à ce premier essai se montreront surtout curieux de découvrir ce que le jeune Robert Fripp avait déjà dans les doigts en 1968. Elle évolue entre une approche jazz (le pont de "North Meadow") et classique (le noir de notes et très baroque "Suite N°1") dans ce qui constitue un album pop extrêmement raffiné mais dont l'approche mélodique trop rattachée à son époque risquerait de rebuter les oreilles les moins formées. Un ensemble de violons vient enrichir les arrangements déjà très soignés et on peut découvrir au détour de certaines plages des tendances inédites qui appelent à de futurs développements heureux ; le côté romantique exacerbé de "Call Tomorrow" et son orgue, le tortueux "The Crukster", la jam de "Erudite Eyes" ou encore le riff de "Elephant Song" qui, s'il avait été joué par une guitare électrique plutôt qu'un harmonica, aurait d'ores et déjà sonné comme un avatar d'un "21st Century Schizoid Man" encore à écrire... Mais malgré ces quelques titres où l'on sent venir les prémices du King Crimson naissant, "The Cheerful Insanity of Giles, Giles & Fripp" distille avant toutes choses une atmosphère légère et insouciante.