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Luc Ferrari (1929-2005) › L'escalier des aveugles

18 titres - 62:35 min

  • 1 à 5/ PATAJASLOCHA (27:52) - L'ESCALIER DES AVEUGLES (34:21) - 6/ L'escalier des aveugles - 7/ Intermède - 8/ Suzanne et le clochard - 9/ Interlude - 10/ El cuerpo inglès - 11/ Intérieur - 12/ Hommage à Lorca - 13/ Izaskun et la pomme - 14/ Interférence - 15/ Sans savoir pourquoi - 16/ Nada - 17/ Madrid, kilomètre zéro - 18/ La nouvelle de l'escalier

informations

1991.

"Patajaslocha", qui ouvre ce disque, est chroniqué à part.

line up

Luc Ferrari (réalisation sonore), Ana Malaver, Julia Gil, Susana Cantero, Izaskun Azurmendi, Laura Notaria, Gloria de Pedro (voix).

chronique

Haaa... Voici le genre de pièces qui fait qu'on adore ou qu'on déteste Luc Ferrari. Prince de l'esbrouffe surfant sur un mix d'electro new-age et de reportage radiophonique ? Ou bien grand compositeur contemporain inventeur de formes, sculpteur d'objets sonores concrets et singulier recréateur d'atmosphères ? En ce qui me concerne, j'ai depuis longtemps choisi mon camp. Maintenant que la mort a hélas mis un terme à l'activité de cet infatigable bourlingueur-chercheur de sons, dont le catalogue doit contenir plus de deux-cents pièces, on tirera bientôt le bilan de son apport à l'histoire de la musique - et on rassemblera peut-être l'essentiel de son immense legs dans une édition discographique plus facile d'accès (car pour l'instant, vu le nombre de labels plus ou moins minuscules ou spécialisés qui se le partagent, c'est un peu le parcours du combattant pour le trouver et s'y retrouver). En attendant, ne boudons surtout pas notre plaisir devant cet extraordinaire "Escalier des aveugles", qui n'est sans doute pas un chef-d'oeuvre, mais qui est pourtant, dans la veine "anecdotique" de Ferrari, une réussite des plus jouissives. Le projet (commande du CDMC de Madrid et de Radio Nacional de España) en rappelle d'autres : il s'agit de saisir une sensation fugace liée à la parole de jeunes femmes espagnoles qui font visiter différents lieux madrilènes au compositeur : une phrase, un mot prononcé, un embryon de dialogue, une ambiance extérieure, un son quelconque saisi au vol... peuvent être le déclencheur de chacune de ces petites nouvelles musicales. Aucun enchaînement n'est anodin ; tout semble parfaitement à sa place. L'ouverture de cette suite concrète est un peu comparable aux accords fracassants qui ouvrent certaines symphonies ou opéras classiques ; l'auditeur est d'emblée saisi : un déferlement de trilles électroniques, la voix d'une première jeune femme puis celle de Luc Ferrari qui essaye de lui faire prononcer de manière correcte en Français "l'escalier des aveugles", et vous êtes sous le charme. La dérive bruitiste commence, sans cesse liée au travail sur les voix humaines, retravaillées par des boucles et des filtres, qui relient les différentes parties de ce corps musical en un gigantesque et fascinant organisme. Les numéros intitulés "Intermède/Interlude/Intérieur/Interférence" forment une suite cohérente qui aide à trouver un fil d'Ariane dans ce labyrinthe. Toutes ces femmes racontent des histoires ; mais le timbre seul de leur voix suffit à nous tenir en haleine, pas besoin de comprendre un poil d'espagnol : c'est un autre élément magique du mystère Ferrari. Les atmosphères urbaines dominent ; les samples enchaînés en boucle, dans "El cuerpo inglès", "Izaskun et la pomme" ou "Nada" renforcent cette ambiance par leur caratère technoïde. Mais au milieu de cette ville grouillent mille sons, bruissent mille voix, se déroulent mille anecdotes, qui traversent ce filtre à toute vitesse mais y laissent une empreinte indélébile ; écoutez "Madrid, kilomètre zéro" et vous comprendrez ce que je veux dire - c'est une musique nouvelle, tout simplement. L'utilisation de synthétiseurs, pas si fréquente chez Ferrari, épaissit un peu plus cette brume, renforce le caractère onirique de l'oeuvre. Et le final répond parfaitement à l'ouverture : on redescend à toute vitesse cet escalier qu'on avait monté. Un moment unique, vraiment... "J'ai fait un voyage à Madrid ; voici comment ma mémoire l'a recréé ; voici comment je l'ai rêvé..."

note       Publiée le dimanche 18 septembre 2005

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Jacques Capelovici Envoyez un message privé àJacques Capelovici

Impression de tomber sur une émission nocturne de France Culture. Sans plus.

Sigur_Langföl Envoyez un message privé àSigur_Langföl
Celui-là, à la première écoute, j'ai hurlé au scandale. Quel était ce type qui osait à ce point se foutre de notre gueule - déjà bien entamée d'ailleurs. Et puis bon, je suis retombé dessus par hasard quelque mois plus tard, et là il s'est vraiment passé quelque chose... Je ne comprends toujours pas d'ailleurs. Mais juste pour ces deux dernières écoutes, qui, sans être pétrifiantes de beauté, m'ont fait plonger la tête la première dans ce cauchemar chaud et humide, juste pour ça, il mérite 5.
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Slugbait Envoyez un message privé àSlugbait
Ah je me suis réécouté "L'escalier des aveugles" hier, quelle maitrise, quelles sensations à l'écoute de cette oeuvre, vraiment belle et touchante. Luc Ferrari ist krieg !
Note donnée au disque :       
CeluiDuDehors Envoyez un message privé àCeluiDuDehors
Le voyage; c'est le mot que je retiendrai pour définir l'esthétique de Ferrari à la fin de sa carrière...une plénitude certaine quand on voit ce qu'il sortait à ses débuts qui était beaucoup plus "haché" alors qu'ici tout est fluide (et comme tu le dis effectivement trop pour certains qui trouvent ça "facile"). Après tout, ne serait-ce pas ça le talent...savoir faire oublier la technique et les effets au profit de l'esthétique que l'on veut développer?!