H.i.v.+ / Mourmansk 150 / Babylone Chaos › Univers carcéral

Projet atypique s'il en est, loin des thématiques intemporelles et distantes, 'Univers carcéral' est une vision sans complaisance ni misérabilisme des quartiers nord de Marseille. Durant 5 années Fabrice Billard, âme éclairée du désormais incontournable Divine Comedy records, a arpenté ces lieux à la recherche de fragments de vie, de réponses peut-être. Les nombreux clichés présents dans le livre offrent un regard attendri sur un quotidien peu enclin à la poésie mais d'où émane pourtant un sentiment d'ailleurs et d'espoir, malgré l'impression de carcan urbain (difficile de voir au-delà les murs). La chaleur parcourt ces pages, celle violente des voitures embrasées, mais également celle des sourires d'anonymes fiers de leur quartier. Point de militantisme, ici, juste l'oeil de l'objectif pour laisser s'exprimer l'émotion et la réalité. La musique quant à elle contraste avec une dureté plus évidente et un propos centré sur l'actualité internationale (voir les titres des morceaux). Le duo H.I.V.+ / Mourmansk 150 oeuvre dans un amalgame d'industriel noise et electro très dense, atmosphérique par moments ('Death's corridor'), intense et sans merci par d'autres, l'impression d'enfermement se faisant très présente et aliénante. La musique de Babylone Chaos retranscrit assez bien cette aliénation, aux frontières d'une folie insidieuse et d'un malaise irrémédiable. Jouant sur une electro-ambient de qualité ('Couloir') comme de l'indus noise le plus dérangé ('Autop[sic]'), Babylone Chaos évoque les méandres d'un esprit aux prises avec sa propre déliquescence face à cet enfermement insupportable et arbitraire. Cette illustration d'un Univers Carcéral à deux dimensions (Marseille et l'échelle mondiale) ne se porte certainement pas tel un oriflamme de rebellion, mais la contestation et la révolte sont exprimées ici de façon impulsive, inspirées par un environnement immédiat (actualités, 'témoignages' des photos) à la fois proche grâce à une certaine accessibilité des protagonistes et lieux pris en photos et paradoxalement opaque en raison du traitement litigieux de l'information internationale par les médias. Il reste que les évènements existent bel et bien, et qu'à l'écoute et à la vue de cette oeuvre il serait bien malvenu de notre part de fermer les yeux. Engagé et réaliste, voilà un album qui ne ménage ni nos yeux ni nos oreilles.