Phalanx › In touch

Si le Music Revelation Ensemble fût la première formation que le guitariste James "Blood" Ulmer mit sur pied au début des années quatre-vingt (une entité à la discographie plutôt irrégulière mais demeurant en activité sur le long terme), Phalanx est l'autre versant de son besoin d'évoluer en groupe, co-dirigé avec le saxophoniste George Adams. Besoin aussi de se diversifier quelque peu et d'avantage, maintenant que le nom de Ulmer est définitivement lié à la stylistique harmolodique. Paradoxe qui veut qu'un style prônant l'ouverture et la liberté devienne à son tour une prison régie par autant de procédures devenues académiques, en rendant toute échappatoire presque impossible. Ainsi, et bien que l'affiche laisse à penser que "In Touch" sera un nouveau brûlot free jazz, le dernier album de Phalanx est tout au contraire empli d'une sensibilité inattendue. Attention, cela reste toujours du free jazz, ne fût-ce que par essence ; c'est juste que l'intention n'est plus la même. Il n'est plus question de prouver quoi que ce soit, mais bien d'"être" en musique, et c'est déjà beaucoup. Le soleil éclatant et "bigger than life" de George Adams permet à Ulmer de se sortir de la routine, se calfeutrant dans l'ombre pour ne pas mourir grillé. Sa plus étonnante manifestation étant peut-être "Line In Line Out" où le guitariste troque son instrument pour un duo de flûtes ! Plutôt inhabituel, c'est vrai, même si l'on reconnaitraît entre mille l'écriture contrariée du prophète blues. Le charme de George Adams, le plus mélodieux des saxophonistes free (tragiquement disparu en 1992), continue à opérer au travers de son jeu entre tradition et modernité hérité de Mingus aux côtés de Don Pullen sur le très Coltranien "Spanish Endeavors". "In Touch" a pour lui quand même quelques titres intéressants dans une atmosphère malgré tout familière, mais ce n'est peut-être finalement pas assez pour susciter la même passion générée et entretenue depuis par les tous premiers enregistrements du guitariste.