Gary Smith › Stereo

Compte tenu de la régularité avec laquelle Gary Smith s'est impliqué dans des projets bien souvent hors normes, on peut en conclure que le guitariste est bien décidé à laisser une trace dans le paysage des musiques d'avant-garde. Pour ce nouvel album solo, il laisse de côté son approche faussement primitive de la guitare acoustique à la John Fahey pour ce concentrer exclusivement sur le son bien gras et hargneux de la guitare électrique. Immédiatement, c'est Caspar Brötzmann qui vient à l'esprit (oui, désolé Gary ; un autre que toi avait déjà foulé ce sol mouvant où hardcore et jazz croisaient le fer). Pour accomplir cette lourde tâche, dans les deux sens du terme, il s'entoure aussi de deux fortes têtes : Dave Sturt, bassiste et - qui l'eut cru ? - ancien membre de Jade Warrior, et Lou Ciccotelli, batteur, que les gutsiens les plus fidèles se souviendront d'avoir rencontré pour la première fois sur le premier album de God, "Possession". Tout cela pourra sans doute vous aider à avoir une idée plus précise du bordel sonore dans lequel nous sommes conviés à nous immerger. Mais ne chantons pas victoire tout de suite ; la grande majorité des titres réunis ici voient Gary Smith s'essayer à ses exercices solitaires habituels, redoublés cette fois d'un goût certain pour les abstractions et les dissonances ("M.M.M.") qui devraient tout simplement ravir les fanatiques de Keiji Haino. En fait, le trio infernal ne se met pas en branle sur tous les titres. "Brutal", puis "Slab" sont les seules fois où les invités de marque viendront égayer de leur noirceur les compositions de Gary Smith. Heureusement, il y a aussi les compositions collectives, les deux "Trio" et la suite en trois actes, "Primitive", pour pouvoir goûter aux assauts rock déconstructivistes de nos acolytes. Ceux qui trouvaient que la fracKctalisation de King Crimson en différents ProjeKcts manquait de peps pourraient bien y trouver leur compte. Mais en vérité, tout cela prépare le terrain pour l'expérience Mass, où seul David Sturt sera remplacé par Gary Jeff.