Ximeng › Shi

Qu'y a-t-il à attendre d'un gars fasciné par la polyvalence d'artistes tels que Otomo Yoshihide, Mike Patton et John Zorn ? C'est la question que l'on se pose d'entrée de jeu quand les ondes d'une infrabasse s'empressent d'installer le décor, nous faisant craindre le pire. Et le pire, le projet Ximeng est parvenu à l'éviter, malgré ou grâce à son jeu de funambule plutôt risqué. En ne cédant pas à l'appel de ce qui aurait pu être une glorification juvénile du bruit pour le bruit, ces vingt-cinq minutes de dark ambient gentiment noise mais foncièrement glauque font au contraire preuve de mâturité. Une musique qui connaît l'importance de l'écoute, le musicien jouant avec son propre reflet, ne laissant d'autre alternative à l'auditeur que de s'y perdre avec lui. Comme Scott Walker. "Shi", phonétique japonais qui signifie à la fois la mort et le poème, mais aussi le chiffre quatre (sic), se donne en offrande comme le souvenir troublé d'une nuit arrosée à l'absinthe, le visage blême s'extrayant péniblement de la pénombre à la flamme vacillante d'une bougie. Cette longue plage reste encore pour le moment trop imbibée de ses influences multiples, et Ximeng, s'il veut poursuivre l'aventure, devra trouver le moyen - voire le médium - qui lui permettra de tracer sa propre route au milieu des sentiers déjà balisés avant lui, et pour lui, par Naked City ou Derek Bailey. Les improvisations à la guitare électrique témoignent d'une qualité contemplative indéniable alors que les différents effets de voix et de samples ne sont, pour l'instant, que des artifices avec lesquels l'artiste ne semble pas encore suffisamment familier pour pouvoir prétendre en tirer le meilleur parti. Mais Ximeng expérimente, et cette démarche est honorable. "Shi", premier essai, riche d'une intention aussi intègre qu'intelligente, devrait pouvoir nous annoncer une suite prometteuse.