Michaël Levinas (b. 1949) › Voûtes

Voici le troisième recueil important d'oeuvres diverses de Michaël Lévinas, allant de 1971 à 1992. Je trouve toutefois les pièces qu'il contient nettement moins convaincantes. Musique spectrale, musique concrète, musique employant des micro-intervalles, musique "physio-acoustique"... tout ces termes barbares ne definissent pourtant pas complètement son art. Sa démarche tend avant tout vers un théâtre musical spatio-temporel, une sorte d'opéra des sons (il a d'ailleurs composé deux "opéras" : "La conférence des oiseaux" et "Go-gol"), une plastique des formes harmoniques, une esthétique picturesque mêlant de nouvelles couleurs de timbres. "Préfixe", pour ensemble instrumental et clavier MIDI, fait ainsi entendre des sons échantillonnés et rendus méconnaissables par un logiciel informatique de l'IRCAM, distillés de manière éparse, sur lesquels flottent les cordes pincés de divers instruments, dans une ambiance assez volatile et irréelle, mais qui suscite l'ennui à la longue. "Arsis et Thésis" est une exploration des possibilités de jeu d'une flûte basse sonorisée, des sons variés qu'elle peut rendre, dans laquelle le souffle de l'interprète, ses inspirations, le mouvement de ses lèvres sur l'instrument... prennent une importance démesurée. "Froissement d'ailes", toujours pour flûte solo, se plaît à imiter les sons que peut faire entendre un oiseau, mimétisme ornithologique que l'on retrouve à beaucoup plus grande et plus spectaculaire échelle dans "Ouverture pour une fête étrange". "Voûtes" prend encore une fois la forme d'une étude ouvertement expérimentale sur les possibilités sonores d'un instrument : ici, ce sont six percussionnistes de concert qui se déchaînent. Autant vous dire qu'il faut s'accrocher pour saisir la saveur de ces résonnances par sympathie, de ces modulations articulatoires et autres atomisations de sons. "Rebonds" tire son étrangeté de la différence d'accord entre les trois pianos de l'instrumentarium, ainsi que des réverbérations artificielles qui semblent leur être appliquées... une pièce prenante par moments, en pente descendante. Les "Trois études pour piano" ne présentent pas grand intérêt, si ce n'est par l'utilisation de cordes pincées ou étouffées par le pianiste à l'intérieur de la caisse, mais bon... Seule "La cloche fêlée" renoue vraiment avec l'hallucinante expressivité du meilleur Lévinas : amplification de certains pupitres, vagissements des cuivres, colonnes de sons qui s'élèvent, cascades de résonnances, "concrétude" des sons instrumentaux... Dans l'ensemble un volume tout de même moins indispensable.